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Lutte contre les grossesses en milieu scolaire: A quand la fin des travaux de construction des lycées d’excellence de jeunes filles?

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Mariatou Kone 060621

Les cas de grossesse en cours de scolarité sont de plus en plus récurrents. Une réalité qui impacte la scolarisation des jeunes filles touchées, dans un contexte de promotion du genre et de parité. Les causes sont multiples notamment la vulnérabilité des victimes. Entre autres solutions, le projet de construction des lycées d’excellences dotés d’internat est salué par les parents d’élèves.

Une jeune fille, répondant aux initiales A.Y. âgée de 16 ans, en classe de seconde C dans un lycée d’Abidjan, a dû suspendre les cours, pour cause de grossesse durant la scolarité. Elle reprendra sa classe après la maternité, conformément à une exigence du ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation. Cette jeune élève va perdre une année scolaire et accuser un retard par rapport à ses camarades de promotion.

La situation de cette jeune fille, qui n’est pas un cas isolé, est un prétexte pour interpeler sur le phénomène de grossesse en cours de scolarité. Une réalité de plus en plus présente dans les lycées et collèges, et à un degré moindre, dans les classes du primaire. Les chiffres sont parlants. L’alerte a même été donnée par le ministère de l’Education nationale et de l’Alphabétisation qui annonçait que la Côte d’Ivoire a enregistré 5 833 cas de grossesses au cours de l’année scolaire 2021-2022, sur une population de 3.323.912 filles.

Une enquête du Conseil national des droits de l’homme (Cndh) de Côte d’Ivoire, réalisée de septembre 2021 à mai 2022, avait révélé 3.409 cas de grossesses en milieu scolaire en Côte d’Ivoire. Le Cndh s’est voulu plus précis en indiquant les régions où le phénomène est beaucoup plus observé. Il s’agit de la Nawa avec 374 cas ; du Haut Sassandra, 296 cas ; du Guémon, 220 cas ; de l’Agnéby-Tiassa avec 200 cas et 166 cas enregistrés dans le Sud-Comoé.  La région de San-Pedro comptait 243 cas de grossesse sur la même période et 30 autres, de septembre à octobre 2022.
Au lycée de Dimbokro, de 2021 à 2022, il y avait 36 cas de grossesse, 6 autres cas déjà enregistrés de septembre à octobre 2022.

Des témoignages de certaines élèves victimes, désormais filles-mères, rencontrées dans plusieurs localités du pays évoquent les facteurs favorisant ce phénomène, que sont la vulnérabilité, la pauvreté et l’absence d’internat.

En effet, le gouvernement consent des efforts pour rapprocher les écoles des populations. Mais les besoins d’infrastructures d’accueil au niveau du secondaire sont réels dans certaines localités du pays. C’est pourquoi, des élèves sont affectés dans des lycées et collèges, non loin de leurs parents. A défaut de tuteur, ils vivent parfois seuls ou avec des amis. C’est le cas d’Affoué M., élève au lycée de Dimbokro. « J’habite avec des jeunes de mon village dans une chambre salon. Nos parents se cotisent pour payer le loyer », a-t-elle déclaré.  La promiscuité au niveau des habitations, ont expliqué des encadreurs, est une des causes des grossesses en cours de scolarité. « Lorsque des filles et des garçons partagent souvent le même appartement, avec la promiscuité, et livrés à eux-mêmes, ils peuvent tout se permettre et des filles finissent par tomber enceinte », a expliqué un encadreur du lycée de Dimbokro. Outre la pauvreté qui rend ces filles vulnérables, et les expose à tous les vices, il y a la naïveté, le snobisme et l’envie de paraître et quelques fois, les agressions sexuelles.

S’il y a quelques années, des enseignants et encadreurs étaient indexés pour être les auteurs, pour la plupart, des grossesses en cours de scolarité, la récente enquête du Cndh les dédouane quelque peu. Cette institution a révélé que les auteurs des grossesses des élèves sont généralement des élèves, des gérants de cabine, des chauffeurs, des boutiquiers etc.

Pour des experts, l’absence d’encadrement et de suivi des enfants est à l’origine de cette situation qui impacte la scolarisation de la jeune fille, au moment où la communauté internationale encourage la promotion du genre et la parité dans le secteur de l’éducation, comme indicateurs de développement durable. 

En Côte d’Ivoire, le gouvernement déploie de grands moyens depuis plusieurs années pour atteindre ses objectifs de scolarisation, à travers la politique de l’école obligatoire pour tous les enfants de 6 à 16 ans, notamment les filles.

Le maintien des filles à l’école, un défi

Aussi, malgré les efforts du gouvernement pour promouvoir la parité et le genre dans le secteur de l’éducation, à travers plusieurs initiatives, le maintien des filles à l’école est un autre défi. Les raisons sont diverses : soit elles sont devenues des filles mères, avec un enfant en charge qui accentue leur précarité, soit elles sont contraintes à des mariages précoces et forcés.

Dans la recherche de solutions durables à ces maux, la ministre de l’Education nationale et de l’Alphabétisation, Pr Mariatou Koné, avait initié les « Etats généraux de l’Education nationale et de l’Alphabétisation » afin de sortir l’école ivoirienne de l’ornière et améliorer le système éducatif ivoirien pour les prochaines décennies.

Des actions en cours sont le projet d’Autonomisation des femmes et dividende démographique dans le Sahel (Sweed) et la construction des lycées d’excellence de jeunes filles.

En effet, la phase 2 du projet Sweed mise en œuvre sur la période 2021-2024 en Côte d’Ivoire, cible 800 000 jeunes filles et femmes à risques. Financé à plus de 35 milliards de Fcfa par la Banque mondiale, les axes d’intervention sont l’autonomisation des jeunes filles et des femmes à travers la formation aux activités génératrices de revenus et la scolarisation des jeunes filles.

Le projet de construction de six (6) lycées d’excellence de jeunes filles dotés d’internat à Abidjan (Abobo), Dimbokro, Bondoukou, San Pedro, Daloa et Odienné, a pour objectif d’améliorer le taux de scolarisation et d’achèvement du secondaire de la jeune fille et l’efficacité du système éducatif. Chacun de ces lycées d’excellence pour jeunes filles en construction a une capacité de 1 500 élèves et un internat de 1.116 lits. Outre les infrastructures adaptées aux exigences des normes de formation de qualité et les commodités propices à l’apprentissage. Pour l’encadrement des bénéficiaires, la rigueur et la discipline seront des valeurs à prôner. Ces lycées annoncés pour être livrés après 15 mois de travaux, soit en 2023, sont très attendus par les populations, qui voient en cela un espoir et un moyen de lutter contre les grossesses en milieu scolaire et de réduire les cas de grossesse à l’école. Cofinancé par la Bid, Ofid et l’Etat de Côte d’Ivoire à environ 43 milliards de fcfa, ce projet suscite beaucoup d’intérêt chez les acteurs du secteur de l’éducation au regard des enjeux.  

Les lycées d’excellence dotés d’internats très attendus

« Démarrés en 2016, pour une durée de 5 ans, où en est-on avec le projet de construction de ces écoles d’excellence pour jeunes filles, à quelques semaines de 2023 ?». « Quel est l’état d’avancement des travaux de ces lycées d’excellence, au moment où l’Etat de Cote d’Ivoire vient de ratifier un nouvel accord de prêt, le 30 novembre 2022, pour la construction de 4 autres lycées d’excellence de jeunes filles ?». Ce sont, entre autres, des préoccupations exprimées par plusieurs parents d’élèves que nous avons joints. En vue de constater l’état d’avancement des travaux, du lundi 21 au jeudi 24 novembre 2022, nous avons effectué des visites sur des sites dans plusieurs localités bénéficiaires du projet.
En dehors de Daloa où les bâtiments commencent à sortir de terre, plusieurs sites sont encore à l’étape des travaux de terrassement. Dans la ville de Daloa par exemple, il suffit de s’arrêter sur la voie longeant le site, un plateau accidenté, pour voir ce qui s’y passe. Des techniciens et manœuvres aperçus étaient en train d’élever des murs. Malgré ces activités en cours, la situation n’est toujours pas reluisante.  Ces travaux de construction du lycée d’excellence de jeunes filles de Daloa auraient démarré en mai 2021 pour un délai d’exécution de 15 mois. Mais après plus de 19 mois, le taux d’exécution global des travaux en novembre 2022 serait à moins de 20 %, soit plus de 15 mois de retard, selon les informations qui nous sont parvenues.

A l’étape de Dimbokro, sur un vaste chantier accidenté, des pelleteuses et des camions procédaient à la mise en place des plateformes. Aucun bâtiment n’est encore sorti de terre. « Nous sommes là depuis le 7 juillet 2022, mais les travaux ont commencé le 21 juillet 2022. Nous avons fait le terrassement qui consistait à fournir les plateformes aux entreprises sous-traitantes, soit environ 20% d’avancement », a expliqué un agent.Dans la ville côtière de San-Pedro, les travaux sont également au stade du terrassement. Selon des informations recueillies sur place, des riverains, occupants de ce site de carrière (une zone de production de graviers) se seraient opposés à leur déguerpissement, voulant préserver leurs moyens de subsistance.Il nous revient également que les marchés des deux entreprises devant réaliser les travaux de bâtiments (bloc pédagogique et bloc internat) seraient en cours de résiliation. « Alors, même si les travaux de terrassement s’achèvent, rien ne pourra être construit pour le moment sur ce site. Ce qui entrainerait encore un très grand retard surtout que le taux d’exécution global serait à moins de 5%, après 5 mois de travaux », ont analysé des parents d’élèves.La situation n’est pas aussi reluisante dans les autres localités, notamment Bondoukou et Odienné abritant des sites du projet. Des sources sur place rapportent que les seuls travaux de terrassement qui ont démarré depuis plus de 6 mois, piétinent toujours. Aucune entreprise en charge des travaux de construction des bâtiments, n’a démarré ses activités.

Marcelle AKA

[Proposition et réaction]

 Des parents préoccupés, s’interrogent sur le retard accusé dans la construction de ces écoles. « Nous avons appris que le projet a plusieurs mois voire plus de 2 ans de retard, nous ne comprenons pas ce qui se passe », ont déploré des parents d’élèves.

« Comment cette situation a pu arriver sans que les autorités du système éducatif ne soient alertées ? N’y-a-t-il pas un organe institutionnel de suivi et contrôle de gestion et de l’exécution d’un tel projet de plus de 43 milliards de fcfa ? », ont interpellé d’autres.

L’accélération et la livraison des travaux de ces écoles dotées d’internats dans des délais raisonnables est plus qu’un impératif face à l’urgence imposée par l’évolution croissante des cas de grossesse en milieu scolaire dans les différentes régions de la Côte d’Ivoire.

Aussi, le retour au système d’internat dans les écoles et surtout dans les établissements de jeunes filles apparaît comme l’une des solutions à ce phénomène.

L’achèvement des projets de construction des lycées d’excellence de jeunes filles suscite beaucoup d’espoir auprès des populations, qui proposent au ministère de l’Education nationale et l’Alphabétisation d’initier un suivi de proximité de la gestion des différents projets de construction de lycées de jeunes filles avec internat, dont les retards dans l’exécution des travaux interpellent.

La promotion de la scolarisation de la jeune fille étant l’un des axes prioritaires de l’action gouvernementale, des dispositions devront être prises rapidement pour poursuivre les efforts de la ministre Mariatou Koné, en vue de la redynamisation et de la remise en route du système éducatif ivoirien. Une source proche du projet au ministère jointe le lundi 19 décembre 2022, a justifié ce retard dans l’exécution du projet par la flambée des coûts des matériaux de construction. « Nous attendons juin et juillet lorsque les murs vont sortir de terre pour faire des communications », a-t-elle expliqué. Mais quelles dispositions sont prises pour l’accélération et la bonne exécution des travaux ? Jusque-là, on n’en fait pas cas. Le coordonnateur du projet, Dagnogo Yacouba, a confié qu’il attend l’ordre de la hiérarchie avant de se prononcer.  

M. A.

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