Diplomatie : Un Ambassadeur ivoirien accusé d’enlèvement d’enfant-La police l’avait pourtant prévenu !
Diplomatie : Un Ambassadeur ivoirien accusé d’enlèvement d’enfant-La police l’avait pourtant prévenu !
En application de la loi n°2010-272 du 30 décembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants, le gouvernement ivoirien avait adopté le 21 mai 2014, un décret qui fixe les conditions d’entrée et de sortie du territoire national d’un enfant accompagné de ses père, mère ou tuteur, ainsi que de toute personne autre que ses parents.
Doh-Djanhoundy Gilbert, l’actuel ambassadeur de la République de Côte d’Ivoire près la République du Liban a délibérément violé les dispositions de ce décret en faisant sortir irrégulièrement du territoire national un mineur dont il n’a pas la garde juridique.
L’affaire est parvenue aux oreilles de « L’Eléphant ».
Le témoignage du père biologique de l’enfant
« J’ai vécu en concubinage avec Monssia N’Toyadi Christine pendant plusieurs années à Yopougon au quartier ancien Bel air. Je l’ai prise en charge depuis la classe de 4ème jusqu’à lui trouver du travail plus tard. De ma vie de concubinage avec celle-ci, est né Tchéré Léandre Emeric le 1er mai 2005. Mais après la naissance de notre enfant, j’ai constaté en 2009 un changement dans le comportement de ma concubine. Après plusieurs enquêtes, j’ai fini par découvrir qu’elle s’était mise en relation avec un autre homme, Doh Gilbert. Suite au constat de ces faits ne favorisant plus la vie commune, nous nous sommes séparés et elle s’est retranchée avec l’enfant au quartier Mossikro. J’ai intenté, après avoir vu les conditions de vie pénibles et le quartier dans lequel cette dernière vivait avec l’enfant, une action en justice aux fins de la garde de l’enfant. Cette action a été fructueuse. Le 21 janvier 2013, le tribunal de première instance de Yopougon que j’avais saisi m’a confié la garde juridique de l’enfant », témoigne Tchéré Amany Christophe Cyrille, le père de l’enfant.
Mais cette décision de justice ne sera jamais exécutée.
Une décision de justice piétinée par la mère de l’enfant et Doh Gilbert
« (…) Que dans l’intérêt de cet enfant, il y a lieu d’en confier la garde au père et d’accorder à la mère un droit de visite et d’hébergement qui s’exercera en une visite par mois au domicile du père, puis l’enfant séjournera avec sa mère la moitié des vacances scolaires », tel avait statué en chambre de conseil, par défaut, en matière civile d’état des personnes et en premier ressort, le tribunal de première de Yopougon. Une fois en possession de l’ordonnance de garde juridique de l’enfant, monsieur Tchéré ira signifier, par la voie d’un huissier de justice, cette décision à Monssia N’Toyadi Christine qui vivait désormais avec Doh Gilbert.
« Dans l’optique d’exécuter la décision de justice, je me suis heurté à un refus et une farouche opposition de la part de la mère de l’enfant et ce, avec la complicité de son Ecxellence Doh Gilbert avec qui elle vivait désormais », confie le père de l’enfant. Face au refus de ceux-ci de s’exécuter volontairement, monsieur Tchéré va finalement solliciter l’assistance de la force publique pour l’exécution de cette ordonnance de justice. En juin 2014, une première réquisition de la force publique est faite : une dizaine de policiers du commissariat de police du 16ème arrondissement sont réquisitionnés pour prêter main forte à celui-ci afin d’aller récupérer l’enfant au domicile de Doh Gilbert situé dans la même commune de Yopougon. Cette mission va s’avérer infructueuse. Les agents des forces de l’ordre réquisitionnés pour faire exécuter la décision de justice, influencés par le diplomate, vont rebrousser chemin. Le père de Léandre Emeric ne baisse pas les bras pour autant.
Le 7 juillet 2014, une deuxième réquisition de la force publique est initiée par le bénéficiaire de l’ordonnance du tribunal via un huissier de justice. Cette fois-ci, ce sont des éléments du district de police d’Abidjan logés dans les locaux du commissariat de police du 16ème arrondissement qui sont réquisitionnés. Là encore, ces agents de la police vont être confrontés au refus de la mère de l’enfant et Doh Gilbert, son concubin. Suite à ces deux tentatives d’exécution de décision justice infructueuses, dame Monssia N’Toyadi Christine est convoquée par le commissaire chef du district de police d’Abidjan-Yopougon.
Le jour du rendez-vous avec l’autorité policière, celle-ci s’y est rendue en compagnie du diplomate. Il ressort de ce rendez-vous qu’après des échanges avec le commissaire chef du district de police, Doh Gilbert, convaincu par les explications de l’officier de police et de l’existence d’une décision de justice confiant la garde de l’enfant à son père biologique, a promis devant l’officier de remettre l’enfant à son père. Mais cette ferme promesse, à en croire monsieur Tchéré, n’a été que de la poudre aux yeux de l’autorité policière. « Malgré tous les efforts en vue de l’exécution de la décision de justice, le sieur Doh Gilbert a continué de retenir mon enfant jusqu’au jour où j’apprends qu’il est parti par je ne sais quels moyens au Liban avec mon fils, lieu où il est en fonction en qualité d’Ambassadeur », explique, très peiné, celui-ci. Avant d’ajouter : « Pendant que j’effectuais des démarches pour qu’il puisse me rendre mon fils, il est revenu au pays pour se marier avec la mère de mon fils et sont partis tous deux au Liban pour y rester. Je n’ai plus de leurs nouvelles ainsi que de celles de mon enfant qui, aujourd’hui, est âgé de treize ans. Jusqu’à ce jour, la décision de justice m’octroyant la garde juridique de l’enfant n’a pu être exécutée par la faute de ce couple de mauvaise foi et irrespectueux non seulement des autorités judiciaires mais aussi de leur décision.»
La hiérarchie du diplomate saisie
Face à ce qu’il qualifie de séquestration d’enfant et face à l’incapacité des autorités policières à lui prêter main forte en vue de faire exécuter l’ordonnance du tribunal de Yopougon lui accordant la garde de son fils, monsieur Tchéré a saisi par courrier en date 7 mars 2018 le ministère des Affaires étrangères d’une plainte formulée contre la personne de l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire au Liban et son épouse Monssia N’Toyadi Christine pour des faits de séquestration d’enfant mineur et opposition à l’exécution d’un jugement par défaut du tribunal de première instance de Yopougon. « (…) Qu’assurément, cet état de fait me cause d’énormes préjudices qu’il convient de faire cesser. Ainsi devant tant de désagréments, je viens par la présente devant vous pour porter plainte contre Son Excellence Doh Gilbert et son épouse, dame Monssia N’Toyadi Christine pour les faits ci-dessus énumérés à l’effet de faire cesser ses agissements et me permettre de reprendre mon fils de manière régulière et jouir pleinement des droits que me confère cette décision de justice », écrit-il dans son courrier.
Réagissant à ce courrier, Léon Houadja Adom-Kacou, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères d’alors a écrit ceci le 6 avril 2018 : « (…) Je voudrais vous assurer que l’Ambassadeur de Côte d’Ivoire au Liban a été informé de votre plainte. La suite qui en résultera vous sera communiquée dès que possible. Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de ma considération distinguée. » Cette suite promise par la hiérarchie de l’Ambassadeur Doh-Djanhoundy Gilbert, monsieur Tchéré continue désespérément de l’attendre. L’infernal quadrupède informé de cette affaire, a joint le ministère des Affaires étrangères pour savoir la suite qui a été réservée à la requête du père géniteur de l’enfant. « Les autorités du ministère sont un peu mal à l’aise parce qu’elles préfèrent rester dans le fonctionnement de la diplomatie. Il s’avère que c’est une affaire privée vis-à-vis d’un remariage et la femme est partie avec son enfant. Donc, ce n’est pas l’Ambassadeur en tant que tel qui a kidnappé l’enfant…Est-ce que c’est un kidnapping ? Ça, c’est une affaire juridique, ça ne nous concerne pas vraiment. En termes de diplomatie, on ne peut pas se prononcer là-dessus. C’est vraiment privé », a indiqué le 8/2, sous le sceau d’un prudent anonymat, un proche collaborateur de Marcel Amon-Tano.
Il convient de rappeler qu’en application de la loi n°2010-272 du 30 septembre 2010 portant interdiction de la traite et des pires formes de travail des enfants, le gouvernement ivoirien avait adopté le 21 mai 2014 en Conseil des ministres un décret d’application de ladite qui fixe les conditions d’entrée et de sortie du territoire national d’un enfant accompagné de ses père, mère ou tuteur, ainsi que de toute personne autre que ses parents. Apportant des explications sur décret, le ministre Bruno Koné alors Porte-parole du gouvernement avait indiqué : « Il faut savoir que le parent ou le tuteur qui entre ou sort du territoire national accompagné d’un enfant est tenu de présenter un certain nombre de documents, notamment sa pièce d’identité à lui et un document qui atteste de l’autorité qu’il a sur l’enfant, c’est-à-dire l’autorité parentale ou le livret de famille ou à travers un acte de tutelle. Il faudra que l’enfant lui-même détienne un acte qui peut être un acte d’extrait de naissance ou autre. Si l’enfant n’est pas accompagné de ses parents ou de ses tuteurs, il faudrait une autorisation expresse dûment authentifiée par l’un des parents ou une autorisation judiciaire ou du ministre en charge de la Sécurité. »
L’ambassadeur, informé par la police nationale et sa hiérarchie du statut de l’enfant qui vit sous son toit au Liban, ignore sans doute qu’il se rend ainsi complice de ce qui peut être assimilé à un enlèvement d’enfant ?
NOËL KONAN, L’ELEPHANT DECHAINE N°630
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