Magistrats

Les avocats ivoiriens, inquiets des méandres de la Justice, donnent de la voix: «Le Droit et la Politique s’entrechoquent…L’Etat de droit ne se proclame pas et ne se décrète pas, il se prouve»

Les avocats ivoiriens, inquiets des méandres de la Justice, donnent de la voix: «Le Droit et la Politique s’entrechoquent…L’Etat de droit ne se proclame pas et ne se décrète pas, il se prouve»

L’ordre des avocats ivoiriens se dit inquiet de l’immixtion de l’Exécutif dans le Judiciaire. Dans une déclaration devant la presse, ce lundi 28 janvier 2018, son président a dénoncé cette situation, quelques jours après la déclaration commune des deux syndicats de magistrats.

L’actualité de ces derniers mois donne aux Ivoiriens des raisons d’une réelle inquiétude, tant le Droit et la Politique s’entrechoquent. Cette situation oblige le Barreau de Côte-d’Ivoire, dans son rôle de sentinelle, à donner de la voix.

En sa qualité de Défenseur traditionnel de l’Etat de Droit et des Libertés Publiques, il fait la déclaration suivante :

La République a pour socle les Lois dont la plus importante est la Constitution, au-dessus de tout et de tous, « la norme des normes ». Dans le préambule de la Constitution, le Peuple de Côte-d’Ivoire proclame « son attachement aux principes de la démocratie pluraliste fondée sur la tenue d’élections libres et transparentes, de la séparation et de l’équilibre des Pouvoirs.»

La Constitution dispose en ses articles 139 alinéa 1er : « le pouvoir judiciaire est indépendant» et 140 alinéa 3 : « le juge n’obéit qu’à l’Autorité de la Loi ». Enfin, l’article 92 in fine de la Constitution prévoit que « la détention ou la poursuite d’un membre du Parlement est suspendue, si la chambre dont il est membre le requiert. » Ceux à qui notre peuple souverain a confié, en son nom, le pouvoir de dire le Droit et réguler paisiblement tous les conflits sont les Juges.

Il résulte donc de ces textes que le Juge ne doit recevoir d’ordre que de la Loi. De même, la Loi fait de l’Avocat « l’un des acteurs principaux de la Justice ». Le Barreau de Côte d’Ivoire demande, en conséquence, solennellement aux Juges ivoiriens d’accomplir leur mission en toute indépendance et impartialité.

Le Barreau rappelle aussi à ses membres que la profession d’Avocat repose sur les principes d’honneur, d’indépendance, de probité, de délicatesse, de loyauté et de dignité. Rien, absolument rien, ne peut justifier des pratiques contraires. Notre avenir commun commande que chacun des acteurs principaux de la Justice joue sa partition, en se conformant à son serment.

Un poste politique et administratif, une promotion et même la promesse ou l’attrait de biens matériels, tous éphémères par essence, ne mettront jamais un Juge ou un Avocat à l’abri du jugement implacable et définitif de ses concitoyens constituant le Peuple souverain de Côte d’Ivoire et de l’histoire de notre Nation en construction.

S’il y a un refuge dans notre société où les citoyens et les investisseurs devraient se sentir en sécurité, c’est bien la Justice. L’Etat de droit ne se proclame pas et ne se décrète pas, il se prouve. Le Barreau de Côte-d’Ivoire saisit l’occasion de cette adresse pour vous présenter ses vœux de Paix et de Prospérité pour l’année 2019.

Fait à Abidjan, le 28 janvier 2019

Pour l’Ordre des Avocats de Côte-d’Ivoire

N’Dri Ze Thomas, Le Bâtonnier