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CEI: Coulibaly Kuibert encore pris en flagrant délit de manipulation et de mauvaise interprétation des procédures judiciaires (Communiqué Avocat)

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CEI: Coulibaly Kuibert encore pris en flagrant délit de manipulation et de mauvaise interprétation des procédures judiciaires (Communiqué Avocat)

Après avoir affirmé cette année, dans un journal ivoirien, que ‘’la CEI peut donner vainqueur un candidat qui n’a pas gagné dans les urnes’’, Ibrahime Kuibert-Coulibaly vient une fois de plus d’être pris en flagrant délit de manipulation et de mauvaise interprétation des procédures judiciaires ivoiriennes en matière pénale. Il donne ainsi raison à l’opposition qui demande sa démission de la présidence de la Commission électorale indépendante (CEI).

COMMUNIQUE DE PRESSE SUITE AUX DECLARATIONS PUBLIQUES DE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA CEI SUR LA RADIATION DE MONSIEUR LAURENT GBAGBO

DE LA LISTE ELECTORALE PROVISOIRE.

  1. DE LA DECLARATION DE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA CEI

Intervenant sur les médias relativement à la radiation de Son excellence Monsieur le Président Laurent GBAGBO de la liste électorale provisoire de 2020, Monsieur COULIBALY KUIBERT, Président de la Commission électorale indépendante s’est justifié en avançant une série de considérations qui tiennent pour l’essentiel, au fait que Monsieur Laurent GBAGBO a été condamné par jugement correctionnel de défaut du 18 janvier 2018 du Tribunal Correctionnel d’Abidjan-Plateau pour des faits de complicité de vol en réunion.

Que lors du contentieux des réclamations, le Conseil de M. Laurent GBAGBO a saisi le 5 août 2020 la CEI pour expliquer qu’il ne comprenait pas pourquoi son client avait été radié de la liste électorale. En effet, pour le Conseil, le jugement correctionnel d’itératif défaut n’avait pas été signifié à la personne de M. Laurent GBAGBO en sorte qu’il n’était pas devenu définitif pour justifier une radiation.  

Réagissant à cet argumentaire le Ministère de la Justice via le parquet avait produit un certificat de non appel ni opposition, démontrant ainsi que le jugement était devenu définitif du point de vue du Ministère Public.

En l’état de ces deux prétentions, la CEI était allée plus loin pour s’assurer que le jugement était devenu irrévocable. Pour le Président de la CEI, un jugement est irrévocable lorsqu’il n’est plus susceptible des voies de recours, soit parce qu’ils ont été exercés et n’ont pas pu aboutir, soit parce que les délais ont expiré.

En l‘espèce, dans le cas du Président Laurent GBAGBO, ses Conseils avaient formé opposition contre le jugement de défaut du 18 janvier 2018 et le Tribunal qui a accédé à leur requête, a décidé de rejuger à nouveau l’affaire.

Cependant lors de la procédure venant sur itératif défaut les avocats en question n’ont pas comparu pour expliquer le cas échéant, au Tribunal ; Ce en application de l’article 427 du code de procédure pénale, les raisons pour lesquelles leur client ne pouvait pas comparaître, de sorte que le Tribunal qui a retenu l’affaire a rendu un jugement d’itératif défaut qui a été signifié à Maître MENTENON, le Conseil de Laurent GBAGBO.

En pareil cas, précise t-il l’article 560 du code de procédure pénale dispose que les délais d’appel contre le jugement d’itératif défaut courent à compter de la signification quel qu’en soit le mode, qui est en l’espèce, de trois modes de  signification des décisions de justice possibles :

  • A personne,
  • Au domicile élu, 
  • A parquet,

            En l’espèce, pour ledit président, la signification faite chez l’avocat de M Laurent GABGBO, faisait par conséquent courir les délais d’appel, si bien que ce jugement étant devenu irrévocable, c’est à bon droit qu’il a été radié. 

  1. NOS OBSERVATIONS RELATIVES A LADITE DECLARATION

Il convient de rappeler que l’article 26 du code de procédure civile, commerciale et administrative dispose : «  la constitution d’un avocat ou d’un mandataire spécial vaut élection de domicile chez celui-ci »

Et plus loin, l’article 339 du même code précise : « sauf exception prévue par la loi, l’élection de domicile convenue par les parties dans un acte en la forme authentique vaut pour tous les actes de poursuite et d’exécution forcée, dans tous les autres cas, l’élection, de domicile convenu ou résultant d’un acte de procédure ne vaut que jusque et y compris la signification de la décision définitive « 

En la matière, aucune disposition semblable n’existe en matière pénale pour la simple raison que l’avocat dans ce cas, ne fait qu’assister son client, il ne le représente pas.

Dès lors, à supposer selon le raisonnement contestable du Président de la CEI, que les modes de signification se déclinent en :

  • la signification à personne,
  • la signification à domicile élu,
  • la signification à parquet,

il est indéniable que, lorsque le Commissaire de justice n’a pas pu toucher personnellement celui que l’exploit concerne et qu’il a signifié la décision, soit au domicile réel – et même élu pour les besoins du raisonnement-, soit au parquet, la loi pénale prévoit des diligences supplémentaires à accomplir pour parfaire l’acte dans la perspective de porter la signification à la connaissance effective de la personne concernée.

Le principe de la signification à personne est prévu par l’article 590 du code de procédure pénale en abrégé CPP indique que : « Lorsque le commissaire de justice trouve, au domicile indiqué dans l’acte, la personne qu’il concerne, il lui en remet une copie. » 

L’article 591 du Code de Procédure Pénale quant à lui, indique pour sa part, « Si cette personne est absente de son domicile, le commissaire de justice interpelle la personne présente au domicile, sur ses nom, prénoms et qualités, ainsi que sur la datée de l‘absence de l’intéressé et sur l’adresse à laquelle celui-ci peut être trouvé. Le Commissaire de justice se transporte à cette adresse et remet la copie de l’acte à la personne ainsi qu’il est dit à l’article 590. »

Et enfin l’article 597 du CPP : «  les personnes qui résident à l’étranger, sont citées au parquet du Procureur de la République près le Tribunal saisi, lequel vise l’original et envoie la copie au Ministre des affaires étrangères ou a toute autorité déterminée par les conventions diplomatiques. »

Dès lors, pour revenir au raisonnement du président de la CEI, à supposer même que M. Laurent GABGBO ait élu domicile en l’Etude de son Conseil, lorsque le Commissaire de justice s’y est rendu et ne l’y a pas trouvé, ledit conseil n’avait que pour obligation de décliner ses nom, prénoms et qualités, ainsi que la date de l‘absence de l’intéressé et l’adresse à laquelle celui-ci peut être trouvé.   

C’est ce que le Conseil a accompli en toute légalité, en indiquant au Commissaire de justice que l’intéressé était à l’adresse suivante :

 « WAALSDORPERWEG 10

2597 AK, LA HAYE PAYS BAS

Tel : + 31(0) 705 158515

Fax 31(0) 705 15 8555

Boîte Postale 19519

2500 CM LA HAYE PAYS BAS »,

Tout en l’invitant à compléter ses diligences au regard de l’article 597 du CPP pour les significations à l’étranger ; c’est-à-dire pour les personnes résidant à l’Etranger, faire viser l’exploit de signification par le parquet à charge pour lui d’envoyer une copie au Ministère des affaires étrangères en vue de la remise à l’intéressé, puisque si la loi a imposé en cas de signification alternative, des diligences supplémentaires, c’est pour s’assurer que la personne concernée ait effectivement reçu l‘acte afin de faire courir contre elle les délais des voies de recours.

Or, le Commissaire de justice et le Parquet qui avait sollicité cette signification, se sont abstenus d’accomplir ses diligences et se sont bornés au simulacre d’une signification faite prétendument au domicile élu.

Et le Président de la CEI qui a trouvé là un filet de secours, ne s’est-il pas gêné pour affirmer que les délais avaient couru et que le jugement d’itératif défaut était devenu irrévocable.

Pourtant si on suit ce sophisme, décliné sur tous les plateaux de Télévision pour exciter des esprits mal éclairés, le simple fait qu’une signification ait été faite, par exemple, à parquet ou à mairie ou au domicile élu et qui n’aurait été suivi d’aucune diligence pour remettre l’exploit au prévenu, ferait courir contre ce dernier les voies de recours : ce qui est proprement absurde et violerait les droits de la défense, car le parquet, la mairie et encore moins le conseil ne sont pas juridiquement « la personne que l’acte concerne ».

En tant que de besoin, une lecture d’ensemble des articles 590 et 591 du Code de Procédure Pénale permet de soutenir que le domicile visé par l’article 591 n’est pas le domicile élu mais plutôt le domicile réel, autrement, on ne comprendrait pas pourquoi, la loi ferait obligation au Commissaire de justice qui se trouverait déjà au domicile prétendument élu et qui n’y aurait pas trouvé la personne que l’exploit concerne, devrait se transporter à l’adresse qui lui aurait été communiquée par la personne présente – ici le conseil- pour remettre personnellement l’acte à la personne concernée.  

Dès lors, faut-il le souligner avec intérêt, les délais d’appel sont suspensifs de l’exécution du jugement (Cf art 568 CPP), encore qu’à fortiori, il est indéniable qu’à ce stade procédural, ceux-ci n’ont pas couru, n’ont pas pu courir et ne courront pas, aussi longtemps que le jugement d’itératif défaut n’aurait pas été signifié à la personne de M. Laurent GBAGBO.

C’est dire, qu’en raison des voies de recours qui sont toujours ouvertes contre le jugement d’itératif défaut prononcé par le Tribunal correctionnel d’Abidjan, celui-ci n’est pas irrévocable et ne peut être réputé tel, pour produire contre M. Laurent GBAGBO, le moindre effet juridique valable, en rappel à l’article 712 du CPP qui indique fort à propos que : « l’exécution à la requête du Ministère Public a lieu lorsque la décision est devenue définitive ou lorsque les parties ont acquiescé. »

Dès lors, doit-il être juridiquement acquis, que jusqu’au prononcé d’une décision irrévocable (c’est-à-dire insusceptible de recours), lui offrant toutes les garanties d’un procès équitable et donc la possibilité de se défendre convenablement, Monsieur Laurent GBAGBO bénéficie de la présomption d’innocence proclamée par l’article 7 de la  Constitution Ivoirienne de même que par tous les engagements internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie.

Il s’en suit qu’il apparaît hâtif de tirer éventuellement parti de ces jugements de défaut qui sont au demeurant, provisoires ( au sens littéral du terme) et suspendus, pour ordonner la radiation de M. Laurent GBAGBO de la liste électorale et qu’il est encore plus hâtif d’inscrire une telle condamnation à son casier judiciaire, en violation de l’article 754 du CPP qui n’y admet entre-autre, que « les condamnations contradictoires ou par contumace et les condamnations par défaut non frappées d’opposition pour crime ou délit. »

En tout état de cause, faut-il encore le rappeler, en matière pénale la privation des droits civils et politiques étant une peine complémentaire (à la peine principale) et bien qu’obligatoire en matière de condamnation pour fait qualifié crime, reste cependant facultative en matière délictuelle et, même dans ce dernier cas, comme le rappelle à l’envi l’article 67 du Code pénal modifié par la loi n°2016-555 du 26 juillet 2016 «  le juge ne peut la prononcer que dans des cas déterminés par une disposition spéciale ».

Or, force est de reconnaître pourtant qu’à la simple lecture profane tant du jugement de défaut que celui d’itératif défaut, à aucun moment, le Tribunal correctionnel n’a assorti la condamnation de M. Laurent GBABGO de la privation de ses droits civils et politiques comme peine complémentaire.

Ce faisant, omettre de l’inscrire sur la liste électorale est revenu pour la CEI, à en rajouter aux décisions répressives précitées en violation de la compétence d’attribution des Tribunaux correctionnels et en violation de la loi, notamment, l’article 2 de la loi relative à sa composition, son organisation et ses attributions qui lui donne mandat de «  garantir sur toute l’étendue du territoire national et à tous les électeurs, le droit et la liberté de vote » ; 

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

Cette intervention télévisée qui à la vérité à servi préparer l’opinion nationale et internationale à la décision de radiation prise, à priori, à l’encontre de monsieur Laurent GBAGBO, dont il se sera donné à posteriori les moyens au prix d’une interprétation tendancieuse de l’article 560 du Code de Procédure Pénale, dont selon lui, nous aurions été personnellement coupable de n’en avoir pas tiré les conséquences.

Mais, il n’a pas pu échapper au Président de la CEI, lui-même magistrat de formation et de fonction récente, que son intervention télévisée sur un sujet aussi sensible, en cours d’instruction devant la juridiction électorale que lui-même préside, et qui, à la date de son intervention, n’avait pas encore vidé sa saisine, constitue une faute professionnelle incontestablement disqualificative qui eût nourri suspicion légitime et commandé sa récusation dans un contentieux classique.

Bien mieux, une telle sortie médiatique le 16 août 2020 alors même que le CEI saisie depuis le 5 août du contentieux de l’inscription de M. Laurent GBAGBO sur la liste électorale, n‘avait pas encore vidé officiellement sa saisine à la date du 16 août, contrevenait aux dispositions de l’article 22 de la loi portant création, organisation et fonctionnement de la CEI qui dispose :

« les délibérations de la CEI sont secrètes. Indépendamment des sanctions pénales prévues par la législation en vigueur, il est interdit, sous peine de révocation, à tout membre de la Commission, d’exciper ou d’user de sa qualité pour d’autres motifs que l’exercice de sa mission, de violer le secret des délibérations ou de communiquer à des tiers, des documents reçus ou établis par la Commission. »

Un tel comportement indigne de sa charge est extrêmement dommageable à son auteur et par ricochet à la CEI, en alimentant imprudemment les préjugés sur l’exclusion de monsieur Laurent GBAGBO de la compétition électorale, en rendant faussement coupable son conseil de cette exclusion.

Ainsi, c’est donc sans surprise que la CEI présidée par monsieur KUIBERT-COULIBALY, rendait le 18 août 2020, sa décision de confirmation de la radiation de Monsieur Laurent GBAGBO de la liste électorale provisoire : Le droit du plus fort et certainement du plus bruyant, a été proclamé au détriment de la force du Droit.

Il est alors resté à Monsieur Laurent GBAGBO de s’en remettre encore à la justice de son pays saisi d’un recours en date du 20 août 2020, pour espérer que la force du Droit, cette fois, triomphe.

Fait à Abidjan le 24 août 2020

Claude MENTENON

Avocat à la Cour

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