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Secteur de la santé/ Hausse du coût des actes médicaux dans le privé : Ce qu’il en est réellement…

Secteur de la santé/ Hausse du coût des actes médicaux dans le privé : Ce qu’il en est réellement…

Depuis le 1er  janvier 2019, la consultation chez un médecin général est passé de 12.000 F CFA à 15.000 F CFA et la consultation chez un médecin spécialiste est passée de 15.000 F CFA à 17.500 F CFA. S’agit-il d’une augmentation des coûts des prestations médicales dans les cliniques privées ? « L’Eléphant Déchaîné » a tenté de comprendre cette nouvelle donne.

Une application et harmonisation des tarifs de 1998

Pour comprendre cette mutation des coûts des prestations et actes médicaux dans le privé, « L’Eléphant » est allé à la rencontre de certains acteurs de la santé. Il a successivement rencontré Professeur Acka Joseph, directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’Hygiène publique et Docteur Joseph Boguifo, président du conseil d’administration de l’Association des cliniques privées de Côte d’Ivoire (ACPCI). « Ce sont les tarifs qui sont appliqués depuis 1998 qu’on a reconduits. Puisqu’à la suite des accords, les tarifs n’ont pas été appliqués de manière uniforme. Les gens les appliquaient comme ils le voulaient. Comme on ne peut pas laisser les prix s’envoler, il faut faire en sorte que les prix soient harmonisés. Il y a eu deux à trois mois de discussion et on a décidé de reconduire », a expliqué Professeur Acka Joseph rencontré le 10 janvier dernier. Avant d’ajouter : « Au regard de ce qui suit, on ne peut pas dire que les prix ont augmenté. Il n’y a qu’un glissement catégoriel qui a été fait. Sur 31 prestations, il n’y a que 3 prestations qui ont connu une hausse des tarifs. La discussion est bloquée à ce niveau puisque les entreprises privées qui exercent dans le domaine médical estiment que leur plateau technique a été relevé, les entrants sont chers et tout ce qui est appareil coûte excessivement cher.» Rencontré le 16 janvier,  le président du conseil d’administration de l’Association des cliniques privées de Côte d’Ivoire a également apporté des éclairages. « En 1994, il y a eu la dévaluation du franc CFA. Il était question en ce moment que toutes les entreprises, pour leur survie, adaptent leurs coûts. L’Etat avait pris des mesures urgentes pour ne pas qu’il y ait un débâcle total où tout le monde se met à augmenter les coûts sans aucun contrôle. L’Etat a pris tout de suite des mesures et il y a des secteurs qui ont été considérés comme secteur sensible. La santé a fait partie de ce secteur-là. Nous en tant qu’entreprise, on n’a pas été à mesure d’adapter nos prix. Il a fallu qu’on attende en 1997, lorsqu’il y a eu des mesures de libéralisation des prix pour que nous entrions en discussion avec le ministre du Commerce et le ministre de la Santé pour prendre des mesures exceptionnelles et voir comment nous accompagner pour actualiser les coûts de nos prestations en fonction de l’environnement économique. Avec l’aide de la banque mondiale, une étude a été faite et elle a permis de sortir des tarifs que nous avons appelés les tarifs de 1998. Lorsque ces tarifs sont sortis, tous les partenaires du système de santé ont été concertés », a-t-il expliqué pour sa part.  « Nous avons dit à l’Etat que le 1er  janvier 2019, nous allons commencer à appliquer les tarifs de 1998 et l’Etat nous a donné son accord. Depuis le 1er janvier 2019, nous avons commencé à appliquer ces tarifs. Il y en a qui disent que nous avons augmenté les coûts mais nous n’avons rien augmenté. Certains médecins pratiquaient ces prix depuis longtemps. On demande pour une première fois que ces prix soient harmonisés sur l’ensemble du territoire national. On a fait une concession de 20% aux assureurs et 40% aux mutuelles mais malgré ça, chaque année, les coûts ne font que baisser. Mais derrière ce coût, quelle qualité de soins on offre aux patients ? Avec le Conseil national de l’ordre des médecins, on a décidé d’être tous responsable et que cette situation a suffisamment duré, il faut maintenant l’appliquer. Lorsque j’applique les prix fixés depuis 1998 à 15 mille FCFA en 2017 au même prix, je n’ai fait aucune augmentation de prix. Nous disons avec le ministère de la Santé qu’il ne s’agit pas d’une augmentation de coût mais d’une harmonisation de coûts sur l’ensemble du territoire national », a-t-il précisé. Voilà qui est assez clair !

Les attentes de l’Etat et du représentant de l’ACPCI

L’Etat, après avoir accepté la requête de l’Association des cliniques privées de Côte d’Ivoire a désormais des attentes vis-à-vis des responsables des cliniques privées. « On a appelé les structures sanitaires à venir à la Direction des établissements et de la profession sanitaire (DEPS) pour se mettre à jour. On va autoriser les structures sanitaires qui ont les papiers, on va faire des contrôles inopinés pour voir si effectivement ces structures sanitaires sont en règle. Si ce n’est pas le cas, on va leur donner un délai pour se mettre en règle et celles qui ne veulent pas se conformer, on va les fermer au bout d’un moment. Depuis un certain, on est sur le terrain pour des contrôles. On fait cela parce qu’il y va de la santé des Ivoiriens. L’Etat ne peut pas accepter qu’il y ait des cliniques boutiques où les patients meurent. Il faut garantir une qualité de soins sécurisés à tous les Ivoiriens, il faut lutter contre la mortalité maternelle et néo-infantile. C’est ce qui nous permet d’agir sur le terrain. Il y a des centres qu’on présente comme des centres de soins infirmiers. On effectue une visite de contrôle, on se rend compte qu’ils font l’accouchement. On a un taux de 614 décès qui ne descend jamais. Ce n’est pas normal. Un infirmier qui opère, on n’a rien contre mais s’il est formé et qu’il a la compétence, oui, il peut le faire sous la surveillance d’un médecin. Mais il est infirmier et il fait des avortements, il fait des accouchements. Quand il y a un problème, qu’est-ce qu’on fait ?  Est-ce que l’Etat doit encore accepter cela ? Non », a averti le directeur de Cabinet du ministre de la Santé et de l’Hygiène publique. Et que dit Docteur Joseph Boguifo ? « Vous avez tout un désordre qui s’est installé, des habitudes ont été créées. Il y a de nombreuses structures qui exercent dans l’illégalité. C’est pour ça que nous disons que c’est ensemble que nous allons mettre de l’ordre. On ne va pas sanctionner ou fermer les cliniques toute de suite mais elles ont l’obligation de s’aligner. Le ministère de la Santé, avec la police sanitaire, a déjà commencé à fermer certaines structures sanitaires. Il y a une chose qu’on ne peut faire dans une clinique : c’est de jouer avec la santé des patients. Moi, en tant que président, je ne peux pas comprendre et tolérer cela. Il faut faire comprendre aux populations qu’il s’agit avant tout de leur santé et qu’on ne peut pas marchander avec leur santé.», a-t-il renchéri.

Vers une rupture avec les assureurs ?

Abordant leur rapport avec les sociétés d’assurances, le Pca de l’ACPCI n’est pas allé avec le dos de la cuillère. A en croire Docteur Joseph Boguifo, l’Association des sociétés d’assurances de Côte d’Ivoire (Asaci) ne joue pas sa partition. « Le tiers-payeur ne joue pas son rôle parce que nous, nous jouons le nôtre. Le patient est au milieu et celui qui paye, le tiers-payeur ne joue pas son rôle. Non seulement ils ont tendance à tirer les coûts vers le bas pendant qu’ils prennent des primes d’un certain montant mais ils viennent dans les cliniques pour tirer les prix vers le bas, histoire de gagner le maximum possible. Ensuite ils ne règlement pas à temps les factures au niveau des cliniques. Puis dans ce qui se passe actuellement, il revient au tiers-payant avec qui nous avons discuté pour concéder 20% et 40% aux mutuelles il y a de cela 8 ans de remettre tout de suite le système en place, adapter les coûts et puis on continue la collaboration. Mais ils continuent de garder leur réseau aux coûts de 1998. Ils n’ajustent pas leur système. Ce qui fait que lorsqu’un client va en consultation et qu’on lui dit ça coûte 17 500 F CFA, il aura à payer 20% de 15 mille F CFA puisque les tiers-payeurs n’ont pas ajusté les coûts. Il y a une différence qui vient s’ajouter et il trouve que c’est devenu trop cher. Si le patient est assuré à 100%, il n’y a pas de problème mais si ce n’est pas le cas et qu’il doit payer 2500 F CFA supplémentaires, il trouvera qu’on a augmenté le coût. En réalité, on n’a pas augmenté. On est tombé d’accord sur ces tarifs depuis longtemps. Nous ne les avons pas appliqués pour diverses raisons. Ils ne jouent pas le jeu d’autant plus qu’ils auto entretiennent la fausse information en disant  que l’application des tarifs de 1998 va gêner leur système », a-t-il chargé. Face à cette situation, le Pca de l’ ACPCI menace de ne plus collaborer avec les sociétés d’assurances. « Les cliniques sont prêtes à ne plus faire du tiers-payant. Moi en tout cas, je suis prêt à ne plus faire du tiers-payant. C’est à ça que le système actuel va nous emmener. Et si nous allons vers ça, ce sera une catastrophe pour notre système de santé. Si on ne nous comprend pas, si on n’a pas le choix, si on nous pousse à bout, on sortira de ce système désespérant. Nous nous battons au niveau de notre organisation pour maintenir toutes les cliniques dans le système », a-t-il prévenu. Message transmis à l’Association des sociétés d’assurances de Côte d’Ivoire.

NOËL KONAN, in L’ELEPHANT DECHAINE N°628