Bamba Siaka CEI

Rebondissement/Bamba Siaka, ex-membre du bureau de la commission centrale de la CEI: «L’Etat ivoirien est obligé d’appliquer l’arrêt de la Cour africaine»

Rebondissement/Bamba Siaka, ex-membre du bureau de la commission centrale de la CEI: «L’Etat ivoirien est obligé d’appliquer l’arrêt de la Cour africaine»

 

 

Devant un parterre de personnalités de partis de l’opposition et  d’hommes de médias, Bamba Siaka, ex-membre du bureau central de la Commission électorale indépendante (CEI), a livré d’importantes informations sur la nécessité pour le gouvernement ivoirien de respecter la réforme de la CEI, conformément aux injonctions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples basée à Arusha, en Tanzanie.

 

LES EXIGENCES DE L’EXECUTION DE L’ARRET DU 18 NOVEMBRE 2016 DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES

La Cour Africaine des droits de l’homme et des peuples a pris une décision le 18 Novembre 2016 sur la base des dispositions de la Charte Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Cet arrêt concerne la modification de la loi relative à la Commission électorale indépendante pour la rendre conforme aux dispositions de la charte africaine citée plus haut. Pour une exécution de cet arrêt, il serait indiqué de cerner au mieux ses exigences afin de déterminer de façon précise les modifications à apporter à la loi relative à la commission électorale.

 

A/ LES EXIGENCES DE L’ARRÊT

– L’arrêt exige une Commission électorale indépendante.

– L’arrêt exige une Commission Electorale Impartiale.

– L’arrêt exige dans la loi de la Commission électorale le respect du principe de légalité.

– L’arrêt exige dans la loi de la Commission électorale le respect du principe de la non-discrimination

– L’arrêt exige une Commission électorale capable d’organiser des élections justes, libres et transparentes.

 

Ces exigences sont imposées aux Etats parties à la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance.

C’est pourquoi, la cour a ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire de reformer la loi relative à la Commission électorale pour la rendre conforme aux dispositions de la charte africaine à laquelle il est partie.

 

1) De l’exigence d’une Commission électorale indépendante

La Cour africaine, dans son dispositif 117 de son arrêt, donne une définition de la notion de l’indépendance issue du dictionnaire de droit international public : « l’indépendance est le fait pour une personne ou une entité de ne dépendre d’aucune autre autorité que la sienne propre ou, à tout le moins de ne pas dépendre de l’Etat sur le territoire duquel elles exercent leurs fonctions »

 

2) De l’exigence d’une commission électorale impartiale

Dans le même dispositif 117 de l’arrêt, la cour donne une définition de l’impartialité issue toujours du dictionnaire du droit international public « l’impartialité est, quant à elle, l’absence de parti pris, de préjugé et de conflit d’intérêt »

L’impartialité peut également se définir comme être juste.

 

3) L’exigence du respect du principe de légalité dans la composition de la Commission électorale

Le système adopté en Côte d’Ivoire pour mettre en place un organe électoral, exige que dans sa Composition les partis politiques de l’opposition et les partis politiques au pouvoir soient à égalité de nombre.

Le dispositif N°25 de l’arrêt « considère que pour qu’un tel organe puisse rassurer le public sur sa capacité à organiser des élections transparentes, libres et justes, sa composition doit être équilibrée»

Autrement dit, le principe de l’égalité doit être respecté.

L’article 10, alinéa 3 de la charte africaine exprime cette exigence en ces termes : « les Etats parties protègent le droit à l’égalité devant la loi et à la protection égale par la loi comme préalable fondamental pour une société juste et démocratique ».

4) L’exigence d’une Commission électorale où le principe de la non-discrimination est respecté

Il ne peut être interdit à un individu d’être membre de la commission électorale ou d’en être dirigeant.

La charte africaine traite du principe de la non-discrimination dans les dispositions de son article 8, alinéa 1er en ces termes : « les Etats parties éliminent les formes de discrimination, en particulier, celles basées sur l’opinion politique, le sexe, l’ethnie, la religion et la race, ainsi que toute autre forme d’intolérance ».

 

5) L’exigence d’une Commission électorale capable d’organiser des élections libres, justes et transparentes

Cette exigence de l’arrêt s’appuie sur les dispositions de l’article 17 et particulièrement sur son alinéa 1er : « Les Etats parties réaffirment leur engagement à tenir régulièrement des élections transparentes libres et justes conformément à la déclaration de l’union sur les principes régissant les élections démocratiques en Afrique.

A cet effet, tout Etat partie doit créer et renforcer les organes électoraux nationaux indépendants et impartiaux, chargés des élections ».

 

B/ LES CONSEQUENCES DU NON-RESPECT DES EXIGENCES DE L’ELECTION DE L’ARRET DU 18 NOVEMBRE 2016

A la réflexion toutes ces exigences sont interdépendantes. Aucune d’elles ne peut être respectée sans l’autre. De facto, le non-respect de l’une d’entre elle, entraine le non-respect des autres.

 

  1. Les exemples
  2. a) La détermination des circonscriptions électorales et leur nombre par le gouvernement remet en cause l’indépendance de la commission électorale.
  3. b) La fixation des textes du scrutin et de l’ouverture des campagnes électorales par le gouvernement remet en cause l’indépendance de la commission électorale.

En raison du statut d’autorité administrative indépendante de la CEI et de la définition de la notion d’indépendance du dictionnaire de droit international public, ces dispositions ne doivent pas exister.

  1. c) La présence d’une représentation au sein de la commission électorale de toute institution de la république ou de l’administration, (Président de la République, Assemblée Nationale, Senat, membre du Gouvernement, préfet, sous-préfet, conseil supérieur de la magistrature ou toute autre structure administrative, en général, créée par l’exécutif) :

– Contrarie la neutralité, l’indépendance et l’impartialité de la commission électorale.

– Crée un surplus de nombre de membre en faveur du pouvoir, par conséquent, rompt le principe de l’égalité et entraine un déséquilibre certain au sein de la composition de la commission électorale, toujours en faveur du pouvoir.

En plus, en ce qui concerne la représentation de l’administration en générale, les dispositions des articles 4, 37 de la loi rendent inutile cette représentation :

 « Article 4 : Dans l’exercice des attributions, la commission Electorale indépendante à accès à toutes les sources d’informations relatives au processus électorale et aux médias publics.

Les Autorités administratives sont tenues de lui fournir tous les renseignements et lui communiquer tous les documents relatifs aux élections dont elle peut avoir besoin dans l’accomplissement de sa mission ;

En cas de non-respect par une autorité administrative, des dispositions susmentionnées, la CEI l’invite à s’y conformer. Le cas échéant, la CEI doit saisir les autorités hiérarchiques ou les autorités judiciaires compétentes qui statuent sans délai.

Article 37 : la Commission Electorale Indépendante bénéficie de l’assistance du Gouvernement en ce qui concerne le personnel administratif, financier et technique dont l’appui est nécessaire au bon fonctionnement de ses services. Ce personnel peut être détaché auprès d’elle. »

 

C/ DE LA VALIDITE DE L’ARRET DU 18 NOVEMBRE 2016 DE LA COUR AFRICAINE

Les dispositions de l’article 28, alinéa 2, 3,4 du règlement de la cour, traite de la validité de l’arrêt :

– Alinéa 2 : « l’arrêt de la cour est pris à la majorité, il est définitif et ne peut faire l’objet d’appel »

– Alinéa 3 : « la cour peut, sans préjudice des dispositions de l’alinéa 2 qui précède, réviser son arrêt en cas de survenance de preuves dont elle n’avait pas connaissance au moment de sa décision et dans les conditions déterminées dans le règlement intérieur »

– Alinéa 4 : « la cour peut interpréter son arrêt »

Aucune des dispositions du règlement de la cour ci-dessus citées, ne remet en cause la validité de l’arrêt qui, désormais, produit tous ses effets.

 

Toute action en vue l’exécution de l’arrêt du 18 Novembre 2016 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples est légale et légitime.

Toute modification de la loi relative à la commission électorale doit se faire exclusivement et uniquement, conformément à l’arrêt du 18 Novembre 2016 de la cour Africaine des droits de l’homme et des peuples.

 

ENGAGEMENTS ET OBLIGATIONS DE L’ETAT DE CÔTE D’IVOIRE DANS LE CADRE DE L’EXECUTION DE L’ARRËT DU 18 NOVEMBRE 2016 DE LA COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET6 DES PEUPLES

Ces engagements et obligations sont à la fois nationaux et internationaux.

 

  1. LES ENGAGEMENTS ET OBLIGATIONS INTERNATIONAUX

1) Rappel des engagements et obligations liés à un accord international (traité ou convention)

Lorsqu’un accord international passe l’étape de la procédure longue et rigoureuse de la signature à la ratification, en passant par l’avis du Conseil constitutionnel, l’examen et l’adoption en conseil des ministres, l’examen et l’adoption par le parlement (représentation du peuple), alors le pays appartient désormais à une communauté internationale où il a des droits et des devoirs, c’est-à-dire, des obligations.

Le premier devoir ou obligation de ces Etats, c’est le respect scrupuleux des termes de l’accord (traité ou convention) tant que ceux-ci ne sont pas dénoncés.

 

2) Engagement et obligation de la Côte d’Ivoire, Etat partie de la charte africaine et de la cour africaine

La Côte d’Ivoire est membre de l’Union africaine. Les membres de cette union ont créé la charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance dont elle est Etat partie. Cette dernière structure de l’Union africaine a mis en place  un tribunal appelé Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, chargée de régler les litiges portés devant elle.

La Côte d’Ivoire a reconnu la compétence de cette cour le 25 JANVIER 2004.

La Côte d’Ivoire étant membre de cette communauté internationale, Etat partie de toutes les structures juridiques de cette communauté, a  des devoirs et des obligations.

En ce qui concerne la charte africaine de la démocratie, des élections et la gouvernance, l’Etat de Côte d’Ivoire a l’obligation de respecter et d’appliquer toutes les dispositions de cette charte en matière de démocratie, d’élection et de gouvernance.

En ce qui concerne la Cour africaine des droits de l’homme et es peuples, la Côte d’Ivoire doit respecter et exécuter toute décision de cette cour, en particulier, celle qui la concerne.

 

Les dispositions de l’article 30 du règlement de la cour, en la matière, sont sans équivoque « les Etats parties au présent protocole, s’engagent à se conformer aux décisions rendues par la cour dans tout litige où ils sont en cause et en assurer l’exécution dans les délais fixés par la cour »

En raison de ce qui précède, l’Etat de Côte d’Ivoire a l’obligation d’exécuter l’arrêt du 18 Novembre 2016 de la cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

 

  1. ENGAGEMENTS ET OBLIGATIONS NATIONAUX
  2. Engagements et obligations issus du préambule de la constitution de Côte d’Ivoire

L’Etat de Côte d’Ivoire, dans le préambule de la constitution du 8 novembre 2016, s’est engagé, au nom du peuple, à organiser des élections libres et transparentes en ces termes : « proclamons notre attachement aux principes de la démocratie pluraliste fondée sur la tenue d’élections libres et transparentes… »

Cela ne peut se faire qu’à travers un organe électoral indépendant et impartial. C’est pourquoi, la Côte d’Ivoire doit exécuter l’arrêt du 18 Novembre 2016 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, conformément à son engagement constitutionnel.

 

  1. L’obligation liée aux fonctions de Président de la République

Les dispositions de l’article 54 de la constitution précisent : « Le président de la république est le chef de l’Etat. Il incarne l’unité nationale. Il veille au respect de la constitution. Il assure la continuité de l’Etat. Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des engagements internationaux. »

Le président étant le garant du respect des engagements internationaux, il doit faire exécuter l’arrêt du 18 novembre 2016 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, la Côte d’Ivoire étant Etat partie au protocole créant cette cour dont elle a reconnu la compétence.

 

  1. L’obligation du Président de la République de l’article 65 de la Constitution

Selon les dispositions de l’article 65 de la constitution ; « Le Président de la République assure l’exécution des lois et des  décisions de justice… »

L’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples du 18 Novembre 2016 est une décision de justice, qui plus est, rendue par une juridiction internationale dont la compétence est reconnue par la Côte d’Ivoire.

Le Président de la République doit en assurer l’exécution.

 

  1. Les engagements du président de la République des 6 Août et 31 décembre 2018

Le Président de la République, dans son adresse à la Nation, solennellement, s’est engagé à reformer la loi relative à la commission électorale, conformément à l’arrêt du 18 Novembre 2016. Le Président de la République a réitéré cet engagement le 31 Décembre 2018, lors de ses vœux de nouvel an à la Nation.

Si le Président de la République avait respecté son engagement, c’est-à-dire, reformer la loi électorale conformément à l’arrêt du 18 Novembre 2016, la commission électorale  issue de la loi de 2019, ne serait pas contestée autant, tant par la communauté nationale qu’internationale.

 

CONCLUSION

En exécutant l’arrêt du 18 Novembre 2016 de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, l’Etat de Côte d’Ivoire :

 

1) Respectera ses engagements et obligations internationaux.

2) Respectera la constitution du 8 novembre 2016 de la République de Côte d’Ivoire

3) Assurera la promotion de la démocratie et le renforcement de l’Etat de droit en Côte d’Ivoire.

4) Respectera le droit de la population de la Côte d’Ivoire d’avoir un organe électoral indépendant et impartial, capable d’organiser des élections justes, libres et transparentes.

5) Evitera la qualification de « République bananière » à l’Etat de Côte d’Ivoire.

6) Evitera la qualification « d’Etat voyou » à la Côte d’Ivoire.

 

C’est le lieu de rappeler l’observation pertinente notée dans le rapport des chefs de missions de l’UNION EUROPEENNE sur la situation politique en Côte d’Ivoire, en avril 2018.

 « L’emblématique réforme de la Commission électorale indépendante (CEI) demandée par l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) depuis Novembre 2016, reste pour l’instant fermement exclue par  l’exécutif qui ne voit dans cette décision qu’un simple ‘’avis’’.

Or, ignorer cette décision ne porte pas préjudice seulement au bon fonctionnement et à la crédibilité de la démocratie ivoirienne, mais aussi à sa prétention d’être un pays respectueux des règles de droit international et qui travaille pour l’intégration africaine. »