Gbagbo mains

Focus Côte d’Ivoire: Tout ça pour si peu… Quand Gbagbo conseillait de négocier!

L’on a souvent entendu -au détour d’une conversation- cette petite phrase nominale qui est toujours d’actualité et qui mérite à mon sens un regard philosophique ou un café-philo ! Je ne rappellerai pas ici une leçon de sémantique mais je me concentrerai plutôt sur le « pathos » de l’expression.  

Ce que j’appelle le pathos d’une phrase nominale ou d’une expression, c’est la charge affective, l’ambiance psychologique qu’elle dégage au-delà de tout sens littéral. Car au sens littéral, l’expression « tout ça pour si peu » n’a pas grand sens, tant elle est vague ! Il est bon de préciser qu’on peut dire cette phrase pour tout et rien.

A titre d’exemple, l’entraineur d’un club de football pourrait dire tout ça pour si peu en comparant la somme astronomique déboursée pour avoir un joueur en rapport avec ses prestations sur le terrain. Bref, « tout ça pour si peu » est une expression qui correspond toujours à la déception par rapport à une attente. Celui qui -en Côte d’Ivoire aujourd’hui- viendrait à prononcer cette même phrase constate avec amertume que les résultats sont faibles sur le plan politique par rapport à l’investissement opéré…et notre analyse va être accentuée autour de ce point.

Afin de permettre au débat de dépasser le niveau des brèves de comptoir pour atteindre un niveau à la fois politico-philosophique et social, je me propose un jeu de rôle ontologique où je me substitue aux acteurs ou/et leaders politiques ivoiriens et à Dieu ! Car s’il y a un Etre qui pourrait à juste titre prononcer cette phrase, c’est bien Dieu.

Regardons l’aspect divin

Quand on pense au temps, à la complexité et à l’énergie nécessaire à un Créateur pour faire advenir un univers comme le nôtre et que l’on compare tout ça à l’aspect si minable de l’humanité « normale », on peut se dire, « tout ça pour si peu ». Cela dit, le Dieu que  j’imagine être ne dit pas « tout ça pour rien ». Car le « si peu » n’est pas rien et peut même justifier le fait d’assumer le résultat obtenu, aussi décevant soit-il. Appliqué à l’Humanité le « si peu » pourrait être associé à l’existence du génie ! Le « si peu » ferait ainsi référence à Mozart, à Einstein ou à mère Teresa dont on dit souvent qu’ils sont trop rares pour changer la face du monde. En somme  ce  Dieu qu’on a imaginé, c’est le Dieu « minimaliste » qui se satisfait du meilleur des mondes possibles de Charles Baudelaire. Malgré son infinie bonté et sa « toute-puissance », ce Dieu n’a pas pu faire mieux que ce qu’il a fait. Cependant, rien ne prouve que ce Dieu n’ait pas fait mieux ailleurs, sur une de ses nombreuses « exo-planètes » perdues au loin dans l’Univers !

Concluons à ce niveau pour dire comme dirait Nietzsche, l’expression « tout ça pour si peu » est typiquement humaine, trop humaine. Du point de vue nietzschéen, cette phrase est révélatrice de la mentalité nihiliste que le philosophe Moustachu n’a cessé de combattre.

En effet, à quoi bon se défoncer au boulot si on n’est pas mieux payé ? A quoi bon bosser si on ne gagne presqu’autant à ne rien foutre ? A quoi bon se marier, si le divorce est presque garanti à coup sûr ? A quoi bon faire des gosses, s’ils nous disent merde à  l’adolescence ? Et puis …et puis.

Le mea culpa

Quand j’ai pris sur moi la décision de faire ce papier, je connaissais déjà l’expression « tour ça pour si peu ». J’avoue que c’est au regard des comportements des leaders politiques ivoiriens que j’ai donc décidé d’envoyer un message aux animateurs et sympathisants de ce domaine d’activités ou d’occupation et ceux de tout genre. Je voudrais inviter toute l’humanité à arrêter de se donner en sacrifice pour des intérêts presque égoïstes voire personnels et limités… Si on se comprend à ce niveau, alors regardons véritablement la politique ivoirienne aussi bien au niveau du pouvoir RHDP actuel que de la vague d’opposition. Rappelons une parole d’un aîné selon qui « si on vous explique la politique ivoirienne et que vous comprenez, c’est qu’on vous a mal expliqué(e) ».

Pour que nous nous comprenions très bien, il est bon et nécessaire de préciser que le regard que nous portons sur la politique de chez nous, la politique de notre pays donc… est plus analytique que partisan. Pour ma personne, je ne suis militant ni du RHDP ; encore moins de l’opposition. Mon identité, ma personnalité intrinsèque et mes acquis intellectuels et doctoraux en GRH, et mon expérience professionnelle de Journaliste Professionnel d’investigation sont largement suffisants pour…

Quand Gbagbo conseillait de négocier 

Après neuf(9) années d’incarcération à La Haye pour jugement, Gbagbo Laurent a été acquitté le 15 janvier 2019. A la veille voire quelques heures de la date des échéances présidentielles 2020 dans son pays la Côte d’Ivoire, il n’a pas manqué de donner sa position en disant qu’il soutient l’opposition contre le troisième mandat d’Alassane Ouattara et qu’il appelle à la discussion pour éviter une autre catastrophe.

Et comme si le journaliste lui demandait qui sont les gens qui devraient s’asseoir pour discuter, il répond : Alassane Ouattara, Henry Konan Bédié, Soro Guillaume. Ecoutons-le : « Aux hommes politiques en général. Je pense à ces trois-là. Mais le champ politique s’est élargi depuis. Mais depuis que Houphouët était président, parce que j’ai été le seul en 90 à être candidat contre Houphouët-Boigny, mais je ne cessais de répéter: « asseyons-nous et discutons ». Avec la discussion, la négociation… on règle beaucoup de problèmes ».

La terre ivoirienne dit : « Tout ça pour si peu »

On peut rappeler que la grande amitié que l’on peut qualifier de « presqu’un mariage » a commencé au second tour de l’élection présidentielle de 2010 à la noce qu’il convient de baptiser « l’appel de Daoukro ». Quelques temps plus tard, lors d’un congrès du PDCI à Abidjan, les militants du Parti démocratique de Côte d’Ivoire ont entériné l’appel à un soutien à Alassane Ouattara dès le premier tour de la présidentielle de 2015. Tout ça dans une atmosphère aux accents soviétiques. Et le premier responsable du PDCI, Henri Konan Bédié disait : « Tu seras ainsi le candidat unique de ces partis politiques pour l’élection présidentielle de 2015 sans préjudice pour les irréductibles qui voudront se présenter en leur nom propre ». Bédié parlait au jeune frère Alassane Ouattara. Révélait-il ainsi ce qu’ils se sont dit à huit clos ?

Quelques mois plus tard, Bédié et son PDCI sont sortis du RHDP qui a commencé à sonner comme RDR. Les choses, les évènements, les informations et les rapports entre les leaders politiques sont restés ainsi scabreux jusqu’à la présidentielle de 2020.

A la différence de 2010 où nous avons connu une crise postélectorale qui a causé 3000 morts, la crise de 2020 a duré environ trois mois pour causer des violences préélectorales qui ont fait environ 85 morts et près de 500 blessés. On en est sorti avec une élection par zone, avec un  taux de participation estimé autour de 10 % des électeurs nationaux selon la Commission électorale indépendante.

Pour tenter de détendre l’atmosphère socio-politique, il a fallu une rencontre Bédié-Ouattara qui s’est achevée sur une reprise du dialogue. Le président ivoirien Alassane Ouattara et son principal opposant, l’ex-président Henri Konan Bédié, ont déclaré avoir « brisé la glace » après leur rencontre, le mercredi 11 novembre à Abidjan, destinée à apaiser les violences meurtrières en Côte d’Ivoire.  

 « C’était une première rencontre pour briser la glace et rétablir la confiance. La paix est la chose la plus chère à tous les deux et à tous les Ivoiriens et nous avons décidé d’œuvrer pour qu’il en soit ainsi », a assuré le président Alassane Ouattara.  « Nous avons pu briser le mur de glace et le mur de silence. Nous allons dans les jours et semaines à venir continuer à nous téléphoner et à nous rencontrer pour qu’enfin le pays soit ce qu’il était avant», a renchéri Henri Konan Bédié.

Les deux anciens frères promettaient là d’autres rencontres. C’est une parole de Jean Pierre Kutwa ressemblant à « l’un des moyens pour aller à la réconciliation, c’est le respect des lois que l’on se donne bien plus que les élections qui avait fait bouger les choses pendant un moment… au point que Kobenan Kouassi Adjoumani s’est invité à la cathédrale St Paul du Plateau pour aller répondre. Quelle histoire !

Et depuis, apparemment, les deux camps sont en train de discuter. Ils sont en train de faire la politique. Les hommes ou militants avaient-ils besoin de manifestations violentes qui entrainent des morts et des blessés accompagnés de prisonniers ?

Pourquoi dès le début ils ne s’asseyent pas pour se parler ? Ont-ils tous oublié ce que disait tout le temps Houphouët-Boigny de qui ils se réclament tous, comme quoi la discussion, le dialogue est l’arme des forts et non des faibles ?

Tout ça pour si peu ? Et dire que de véritables terrains existent encore tels que la réconciliation nationale, les élections législatives et municipales… Il faut que les leaders acceptent de s’asseoir et discuter.

Antoine Edo