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Bouaflé: Plus de 300 planteurs installés illégalement dans les forêts reboisées de la SODEFOR

Bouaflé: Plus de 300 planteurs installés illégalement dans les forêts reboisées de la SODEFOR

En Côte d’Ivoire, les conflits fonciers prolongés ont poussé certains résidents à occuper des forêts protégées appartenant au gouvernement, contribuant du même coup à la déforestation extensive. Il ne reste aujourd’hui plus qu’une fraction du couvert forestier qui existait au moment de l’indépendance. Les autorités tentent maintenant de déloger les occupants des forêts, mais ces opérations viennent aggraver les tensions existantes dans les provinces les plus instables du pays.

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L’effondrement de l’ordre public qui a marqué les années du conflit en Côte d’Ivoire, entre 2002 et 2007, et les violences postélectorales de 2010-2011 ont favorisé  l’exploitation forestière illégale et sauvage, et l’occupation illicite des forêts contribuant ainsi à la détérioration du couvert forestier. Les vagues de conflit ont forcé des centaines de milliers de personnes à fuir leurs foyers, ce qui a exacerbé les conflits fonciers dans le Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire, la région la plus riche du pays sur le plan agricole. Les terres abandonnées par les familles en fuite ont souvent été illégalement occupées, louées ou vendues par d’autres personnes.

Ainsi, pour éviter les conflits fonciers, certains anciens déplacés ont décidé de s’installer dans les forêts protégées. « En plus des populations immigrantes, qui cherchaient à éviter les conflits fonciers, d’anciens réfugiés originaires de la région, précisément de Vavoua,  se sont également installés dans les forêts reboisées par la Société de Développement des Forêts (Sodefor) situées entre la ceinture de Bonon et Gonaté, sur l’axe Bouaflé-Daloa, non loin du Parc National de la Marahoué, parce qu’ils avaient besoin de terres à cultiver. Toutes ces personnes sont devenues une menace pour les forêts protégées », a dit un planteur qui a requis l’anonymat, basé à Dieudonnékro, un campement frontalier de la zone Sodefor.

Il a expliqué que les gens continuaient de s’installer dans les forêts gouvernementales parce que les lois sur les terres ne s’appliquent pas à ces zones. Deux autres habitants des campements de Mathieukro et de Josephkro vont plus loin en disant qu’en 1998, le gouvernement ivoirien a adopté une loi relative au domaine foncier rural. L’objectif était de reconnaître et d’officialiser les droits fonciers coutumiers en mettant en place les procédures et les conditions pour leur transformation en titres de propriété. Or, la plupart des accords fonciers se font toujours verbalement, ce qui contribue à la récurrence des conflits. «Quand je suis rentré du Liberia [où je m’étais réfugié],  j’ai découvert que ma ferme était occupée par quelqu’un d’autre. Il a refusé de partir malgré plusieurs interventions. Je suis donc venu m’installer dans une forêt protégée, où j’ai défriché cinq hectares pour cultiver du cacao », a dit Kaboré, un agriculteur venu du département de Vavoua. M. Sayouba, l’hôte et M. Adamo, le vendeur des parcelles, résident dans les environs, c’est à dire, du territoire Sodefor, de ces immigrants, ont dit : « après le conflit de 2010-2011, un grand nombre de membres de la communauté immigrante ont afflué dans notre village. Ils sont plus de trois cents (300) personnes, tous venus de Vavoua et du Burkina Faso pour s’installer dans la forêt de la Sodefor. »

Racines historiques

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 » Dans les années 1960, la Côte d’Ivoire comptait 16 millions d’hectares de forêts. En 2010, il n’en restait plus que trois millions, selon la Société de développement des forêts (SODEFOR). Au cours des dix dernières années, le pays a perdu 300 000 hectares de forêt par année « , a dit Marcel Yao, coordonnateur du programme national de lutte contre le changement climatique.

Quant à M. Varlet, un agronome, il a dit que l’occupation des forêts avait commencé dans les années 1960. Après l’indépendance du pays, le boom du cacao a attiré des travailleurs originaires des régions occidentales et des pays voisins. « Le développement du pays dépendait du travail des étrangers venus s’installer dans ces forêts », a-t-il fait remarquer, rappelle-t-on.

Le manque de fermeté dans l’application des lois et la complicité des autorités et des résidents locaux ont contribué à la forte dégradation des forêts et à la persistance des conflits fonciers dans cette zone de la Côte d’Ivoire. Ces litiges qui sont surtout causés par des manœuvres politiques, ont dressé les résidents de l’ouest de la Côte d’Ivoire contre les communautés immigrantes originaires du nord du pays et des pays voisins. « Pendant la décennie de crise qui a secoué la Côte d’Ivoire, le gouvernement n’a pas toujours exercé le plein contrôle du pays et on parlait presque uniquement de l’impasse politico-militaire », a dit Matt Wells, chercheur auprès de Human Rights Watch (HRW).

«On ne peut cependant attribuer simplement l’occupation et la destruction des forêts protégées au cours des dix dernières années à l’inaction ou à l’inefficacité du gouvernement. Des acteurs de l’État auraient parfois été directement ou indirectement impliqués dans l’occupation des forêts protégées, notamment en donnant accès à ces zones en échange de récompenses financières ou politiques », s’est insurgé un élu de Bonon.

Y. K, correspondant régional L’Héritage