Bedie HKB

Discours à la nation: Comment Bédié a relancé la lutte et remis tout le monde en confiance

Le mercredi 9 décembre dernier, pour la première fois depuis que la répression s’abat sur l’opposition, le président Henri Konan Bédié, chef de file de l’opposition ivoirienne, a fait une adresse magistrale aux Ivoiriens. Et ce, en présence des leaders de tous les partis politiques de l’opposition. Une déclaration peinte de solennité et de détermination par laquelle le président des Plateformes politiques a redonné le moral aux militants qui, il ne faut pas se le cacher, avaient commencé à être gagnés par le doute, devant ce que d’aucuns désignaient par une baisse des bras dans la lutte pour une Côte d’Ivoire démocratique et de paix. Ce discours des plus attendus des Ivoiriens, vu l’atmosphère politique trouble, permet ainsi au président Henri Konan Bédié de relancer la lutte et de remettre tout le monde en confiance.

D’entrée, le président Bédié a rappelé que les difficultés telles que vécues présentement par les militants de l’opposition sont inhérentes à la vie politique, surtout quand il s’agit de lutter pour une cause, comme l’avènement de la démocratie, du respect des lois et l’organisation d’élections propres et légales. Forcement, ceux que cela n’arrange pas créent toutes sortes d’embuches sur le chemin de la marche du peuple vers sa liberté. « Le sang de nos frères, de nos sœurs et de nos enfants a encore coulé à cause de leur soif légitime de liberté et démocratie. Le sang a encore coulé par Amour de notre patrie. Nos frères, nos sœurs, nos enfants voulaient simplement marcher pacifiquement pour exprimer leur refus de la violation de la Constitution, la Loi suprême de notre pays. », a rappelé le président comme pour encourager les vivants à ne pas oublier le sacrifice des martyrs, au nom de qui la lutte pacifique doit continuer, sans relâche jusqu’à atteindre l’objectif qui est la reconnaissance de la primauté de la Constitution sur toutes les autres considérations. En rendant l’hommage de toute la Nation, à tous ces jeunes, braves femmes et hommes, sauvagement abattus dans la fleur de l’âge ou torturés, au jeune N’Guessan Koffi Toussaint décapité à Daoukro, au jeune Kissi Morel tué par balles à Bonoua, à la famille Kouamé dont 4 membres ont été brûlés vifs dans leur maison à Toumodi, que toutes les enquêtes ignorent pour l’instant, en apportant son soutien à tous ceux et celles qui sont privés de leur liberté individuelle, sans la moindre procédure juridique élémentaire, le président Bédié demande que la lutte de ces martyrs soit continuée dans la paix et la non-violence.

IMPOSER RESPECT DES TEXTES ET LA PAIX PAR LE DIALOGUE

C’est d’ailleurs dans cette logique qu’il exhorte : « Pour la Paix, Pour la Réconciliation, Pour l’Etat de Droit, Et pour la Démocratie Vraie, Restons tous mobilisés et solidaires, il n’y aura ni vainqueur ni vaincu. La Côte d’Ivoire seule vaincra par la non-violence et l’Amour de la Patrie. Demain, nos renoncements aux intérêts particuliers et ceux de leurs partisans et nos sacrifices alimenteront des jours de paix et de bonheur pour chacun d’entre nous… Les jeunes, les femmes et les hommes d’aujourd’hui dans toutes les contrées de notre beau pays, les générations futures nous en seront reconnaissants.»

Le président déplore que la Côte d’Ivoire, terre d’Houphouët-Boigny, en soit à être désormais une terre où la loi fondamentale est violée par ceux qui devraient la protéger et la défendre, où l’élection présidentielle occasionne des tueries, où des opposants sont traqués et jetés en prison à la pelle… Et pourtant, il aura tout fait pour éviter le chaos au pays. « Que n’ai-je pas dit ou pas fait pour éviter aujourd’hui que notre pays se retrouve encore dans l’impasse, au bord d’une implosion dont les graves conséquences seront préjudiciables à chacun d’entre nous ainsi qu’à nos enfants ? Ma qualité d’ancien Président de la République, de Doyen d’âge, de père de famille, m’imposait de tout mettre en œuvre pour éviter la catastrophe à notre pays. Je peux vous assurer, devant Dieu, d’avoir tout essayé depuis plus de deux ans pour interpeller le Chef de l’Etat, l’appeler directement à plus de transparence dans la préparation des élections. », insiste Henri Konan Bédié. Faute d’avoir été entendu, son devoir vis-à-vis du peuple lui recommande de continuer la lutte pacifique. C’est pour cela qu’il a annoncé une autre grande marche pacifique des Ivoiriens épris de paix, de justice, de démocratie : « j’invite chaqueI, chaque Ivoirienne, en Côte d’Ivoire, dans le monde entier, dans chaque ville, chaque village à une GRANDE MARCHE POUR LE DIALOGUE ET LA PAIX dont la date sera fixée dans les jours prochains… A cet effet, j’appelle les forces républicaines à encadrer pacifiquement cette Grande Marche.»

PLUS DE TÊTE-À-TÊTE BÉDIÉ ET OUATTARA SANS LES AUTRES

Pour le président Bédié qui rappelle à tous : « Que d’appels au Dialogue n’ai-je pas lancés pour préserver la paix dans notre pays ? Rien n’y a fait ; Le 31 octobre 2020, dans des conditions calamiteuses et avec la complicité d’un système électoral à sa solde, le Chef de l’Etat en exercice s’est soumis, contre vents et marées, à la décision du peuple quant à son choix de briguer un troisième mandat illégal, par un soi-disant Devoir, mais en réalité au service de son clan.», il n’est plus question d’arrangement politique entre lui et Ouattara, mais un dialogue national inclusif avec tous les acteurs politiques de l’opposition pour traiter une bonne fois pour toutes les problèmes ivoiriens exacerbés par l’entêtement au troisième mandat, au grand mépris de la Constitution qui l’interdit. Il ressort de cet entêtement de M. Ouattara un rejet par le peuple ivoirien qui a été matérialisé au scrutin forcé du 31 octobre : « Après que moins de 20% d’électeurs seulement eurent retiré leurs cartes, le taux réel de participation s’est trouvé être inférieur à 10%. Ce niveau de participation, extrêmement faible et confirmé par des observateurs et organisations internationales crédibles, signifie que le vainqueur arithmétique proclamé de cette soi-disant élection n’a aucune légitimité, 90% des Ivoiriens ayant boudé cette élection. Le peuple de Côte d’Ivoire a clairement désavoué Monsieur Alassane Ouattara devant la Communauté nationale et Internationale avec le choix du NON à son projet de troisième mandat anticonstitutionnel. Il doit donc en tirer toutes les conséquences et en déduire, malgré tous les actes anticonstitutionnels qui sont posés actuellement, qu’il n’est pas légitimement le Président de la République de Côte d’Ivoire… », explique-t-il. Si la légitimité vient du vote des citoyens, le rejet exprimé par les citoyens enlève toute légitimité au scrutin du 31 octobre et partant à quiconque en a été déclaré le vainqueur.

LA MISSION DU DIALOGUE INCLUSIF QUI REMPLACERA LE CNT

A la question « Que devons-nous donc faire face à cette nouvelle situation critique pour l’avenir de notre Nation ? qu’il se pose, le leader de l’opposition répond en demandant la poursuite de la lutte pacifique, même si par principe et devoir pour la paix, il accepte le dialogue politique, comme il explique : « Pour ma part et comme la majorité d’entre nous, je crois en une Côte d’Ivoire fraternelle et Solidaire. Je crois dans la Côte d’Ivoire de l’unité dans la diversité. Je crois qu’elle est la seule voie du progrès pour tous et du bonheur pour chacun. Je crois, pour la rebâtir, en notre capacité collective à réactiver ensemble nos valeurs d’union et de paix par le Dialogue. C’est la raison principale qui m’a conduit à accepter en votre nom à tous, la rencontre du 11 Novembre dernier avec le Chef de l’Etat pour briser le mur de la méfiance et amorcer les prémisses d’un dialogue franc et sincère dans le seul intérêt de la paix pour notre pays… D’autre part, je propose, dès maintenant et urgemment, en accord avec toute l’opposition, l’organisation d’un Dialogue National en lieu et place du « tête à tête BEDIE – OUATTARA » car l’enjeu en cause, c’est celui de la Côte d’Ivoire Rassemblée. ». Et ce cadre de concertation nationale sera encadré, sur le territoire ivoirien par des organisations internationales crédibles spécialisées en la matière, dont l’ONU. Ainsi, il remplacera le Conseil National de la Transition que l’opposition avait proposé dès le 1er novembre 2020, aux dires du président Bédié. Le dialogue inclusif, explique le chef de file de l’opposition, devra travailler à l’élaboration d’une constitution consensuelle qui garantira une stabilité démocratique, avec des institutions fortes ; La mise en œuvre d’un véritable processus de réconciliation qui prendra notamment en compte le retour des exilés et la libération des prisonniers politiques et militaires ; L’indemnisation conséquente des victimes et leurs familles respectives ;La réforme de la Commission Electorale Indépendante ; La réorganisation des élections présidentielles, transparentes, crédibles et inclusives, dans un climat apaisé ; Le rétablissement de la confiance entre les Ivoiriens et les amis de la Côte d’Ivoire en assurant la bonne gouvernance économique, politique et administrative ; Le retour de l’Etat de droit dans le respect des libertés fondamentales de tous les citoyens et de la loi, tout en assurant le maintien de l’ordre sans bavures. Ainsi, Bédié a réarmé le moral des populations et surtout donné une lueur d’espoir en ce qui concerne l’avenir politique du pays.

O. Chérif, in Le Nouveau Réveil du vendredi 11 décembre 2020.