Côte d’Ivoire/Le cas Thiam : Venance Konan en parle… «Que M. Thiam et ses militants s’en prennent à eux-mêmes, à leurs juristes…»

Essayons ici, calmement, et sans chercher à énerver qui que ce soit, de décortiquer ce qui est arrivé à M. Tidjane Thiam. Tous ceux de ma génération avions été très fiers de découvrir dans les années quatre-vingt notre compatriote Tidjane Thiam, le premier Ivoirien à entrer à la prestigieuse école Polytechnique de France. Personne n’avait parlé de son nom, de l’origine de son père. Il était notre compatriote, descendant d’Houphouët-Boigny, c’était tout. Plus tard, lorsqu’au temps du président Bédié il est venu occuper le poste de directeur général des Grands Travaux qui sont devenus par la suite le BNETD, personne n’a fait la moindre remarque. Tout comme lorsqu’il est devenu ministre. Tout comme lorsque ses autres frères sont eux aussi devenus ministres. Et pourtant nous étions à cette époque en plein dans les délires de l’ivoirité. Personne n’avait mis en doute la nationalité ivoirienne des Thiam. Puis il y eut le coup d’Etat de 1999 et Tidjane Thiam s’en alla en Europe. On entendit parler de lui à nouveau lorsqu’il prit la tête de la compagnie d’assurance Prudential, l’une des plus grandes du monde. Nous fûmes fiers de lui. Même si c’est à cette époque que la presse internationale commença à le présenter comme un Français, ou comme un Franco-Ivoirien. Il n’était pas le premier Ivoirien à avoir la nationalité française ou celle d’un autre pays. Lui-même se présentait comme Français dans ses interventions dans la presse. Il publia même un texte dans lequel il proclamait sa fierté et son émotion d’être Français. Nous sommes d’accord jusque-là ?

Puis, après 23 ans sans avoir remis les pieds dans notre pays, il vint nous dire qu’il voulait être notre président. Chers amis du PDCI, qu’aurait-il dû faire, sachant lui- même qu’il avait la nationalité française ? Qu’auriez-vous dû faire vous-mêmes, sachant que votre champion était Français ? Ignoriez-vous que la constitution votée en 2016 demandait que le candidat à l’élection présidentielle ivoirienne soit exclusivement Ivoirien ? Vos illustres juristes ignoraient-ils aussi qu’une loi ivoirienne adoptée en 1961 n’acceptait pas la double nationalité, sauf lorsque l’un des deux parents est d’une autre nationalité ? Nous le savions tous. Sauf que nous avions tous joué avec. Nous avons tous des amis, des parents, des connaissances, qui ont la nationalité d’un autre pays, mais qui, ici, utilisent leurs papiers ivoiriens, et là-bas, les papiers de leur pays d’adoption. Est-ce à dire pour autant que la loi de 1961 était tombée en désuétude ou était devenue sombre ?

Nos amis du PDCI nous disent tantôt que M. Thiam était né Français parce que son père était Français, tantôt qu’il était tellement génial que les Français l’ont supplié de prendre leur nationalité. Mais, a-t-il été naturalisé Français en 1987 ou non ? Depuis quand un individu né Français a-t-il eu encore besoin de se faire naturaliser Français ? Je pense qu’il ne faut pas prendre les Ivoiriens pour des idiots.

Quoiqu’il en soit, il avait la nationalité française entre 1987 et mars 2025. Oui ou non ? Un Français pouvait-il s’inscrire sur la liste électorale ivoirienne ? Evidemment non ! M. Thiam s’est peut-être inscrit sur la liste de bonne foi. Mais que fait-on lorsque l’on découvre cela ? On le laisse ou on le raye ?

Je crois que le débat qui est posé actuellement autour de cette affaire est de savoir si nous respectons nos lois ou non, selon qu’il s’agit du PDCI et de M. Thiam, parce qu’il serait descendant d’Houphouët-Boigny. Je crois que cette qualité et son ambition de mettre ses pas dans ceux de son illustre ascendant auraient dû l’inciter à être moins négligent. On ne me fera jamais croire que ni lui, ni les éminents juristes qui l’entourent ne savaient pas que notre pays ne reconnaissait pas la double nationalité, et que notre dernière constitution exigeait que le candidat à la présidence de notre pays soit exclusivement Ivoirien. On ne me fera jamais croire que lorsque M. Thiam a nourri l’ambition de devenir président de la Côte d’Ivoire, il n’a pas eu le temps de renoncer à la nationalité française, de reprendre ainsi du coup sa nationalité ivoirienne, puisque ses parents sont de nationalité ivoirienne, avant d’aller s’inscrire sur la liste électorale. Que M. Thiam et ses militants s’en prennent à eux-mêmes, à leurs juristes qui visiblement ne sont pas aussi brillants qu’on le croyait, et ne créent pas de problèmes inutiles à notre pays qui n’en a pas besoin.

Venance Konan

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