Politique minière, pétrolière et énergétique: «La moitié Ouest et le Nord-Est de la Côte d’Ivoire regorgent de minerais stratégiques et critiques», selon Mamadou Sangafowa

Mamadou Sangafowa-Coulibaly, le ministre ivoirien des Mines, du Pétrole et de l’Energie était ce jeudi 6 juin 2024, au « Rendez-vous du Gouvernement », à la Primature du Plateau (Abidjan). Une conférence de presse sans tabou au cours de laquelle, il s’est prononcé sur la « Politique minière, pétrolière et énergétique : enjeux, défis et perspectives ». Ci-dessous, l’intégralité de sa déclaration liminaire présentée devant les journalistes.

Mesdames et Messieurs,
Comme nous le savons tous, l’énergie est indispensable à la production des biens et des services dont l’humanité a besoin pour sa subsistance, son développement et son progrès social. Seulement voilà : les sources d’énergie les plus utilisées, qui ont jusqu’ici assuré le progrès de l’humanité, se sont révélées destructrices pour la nature. Elles dégradent l’environnement et bouleversent le climat, au point de menacer l’existence même de l’homme que leur exploitation est pourtant censée améliorer.
Cette situation a amené la communauté internationale à adopter, avec des objectifs contraignants, le recours à des sources d’énergie renouvelables, plus respectueuses de l’environnement et du climat. C’est l’objet des différentes COP qui se succèdent depuis 1995.
Cependant, à ce jour, certaines des sources d’énergie propres et renouvelables identifiées comme substituts aux énergies fossiles, restent relativement plus coûteuses et leur maîtrise totale requiert encore des progrès technologiques. Dans le même temps, l’offre des énergies conventionnelles connaît une grande instabilité en raison des mutations géopolitiques et stratégiques à l’échelle mondiale. Des conflits dans les principales zones de production aggravent encore cette situation.
Concernant les mines, la révolution numérique et la transition énergétique en cours ont entraîné une ruée vers certains minerais considérés désormais comme stratégiques voire critiques. Enfin, l’incertitude sur les marchés financiers a accentué la demande d’or, qui sert de valeur refuge. Naturellement, le prix de l’or n’a cessé d’augmenter depuis les deux dernières décennies.
Au niveau national, l’actualité est marquée par les récentes découvertes de classe mondiale dans les hydrocarbures et dans les mines, par le lancement de la plate-forme numérique sur le contenu local dans l’industrie pétrolière, mais aussi, par l’arrêt prolongé de certains groupes de production d’électricité et les dernières facturations de l’électricité par la CIE.
Ainsi se présente le contexte national et international dans lequel se tient la conférence qui nous réunit ce matin sur le thème : Politique des ressources minérales et de l’énergie : Défis, Enjeux et Perspectives.
Mesdames et Messieurs,
Avant de me prêter à vos questions, je voudrais :
• qu’on jette ensemble un regard sur le chemin parcouru par notre pays dans le secteur des ressources extractives et de l’énergie sous le leadership de SEM Alassane OUATTARA, Président de la République
• qu’on identifie les défis inhérents à ce secteur et les mesures envisagées pour y faire face
• enfin qu’on aborde les perspectives nouvelles qui s’ouvrent à notre pays.
Mesdames et Messieurs,
Le secteur de l’électricité est incontestablement le secteur dans lequel notre pays a fait les progrès les plus significatifs au cours de la dernière décennie.
Dans le même temps, on ne peut l’ignorer, c’est un secteur structurant par essence, dont les enjeux sont cruciaux pour tous les pays, particulièrement pour les pays Africains, y compris le nôtre. Portons un regard rétrospectif sur la période 2011 à 2023 : les chiffres sont édifiants.
Avec une capacité de production qui est passée de 1391 MW à 2907 MW, notre pays dispose de l’un des systèmes de production et de distribution d’énergie électrique des plus viables et résilients du continent. Le nombre de localités électrifiées est passé de 2 851 à 7 508. Ainsi, le taux de couverture du pays est passé de 33% à 88%, avec un objectif de 100% à l’horizon 2025.

Le taux d’accès a bondi de 74% à 97%. Le nombre d’abonnés a cru de 1,1 million à un peu plus de 4 millions. Le Temps Moyen de Coupure (TMC) qui était de 47h/an en 2011 est tombé à 29h/an en 2023 alors qu’il est de 12h/jour dans certains pays. Au total, ce sont 1700 milliards de FCFA qui ont été investis dans la production, le transport et la distribution d’électricité dont 1000 milliards de FCFA par le secteur privé. Pendant que les investissements en cours s’élèvent à 1221 milliards de FCFA.
Avec un prix moyen de 87 FCFA le kWh à la consommation, notre pays a le kWh moyen le moins cher de l’UEMOA. Malgré ces progrès indéniables, d’importants défis restent à surmonter. En effet, la demande d’électricité augmente très vite, tirée par la croissance démographique, le développement économique et la hausse des températures due au changement climatique. De plus, notre offre d’électricité connaît cette année des contraintes caractérisées, dues particulier à l’arrivée retardée de groupes de production et de pannes.
Au mois d’avril dernier, trois groupes de production d’une puissance cumulée de 653 MW étaient à l’arrêt, soit 21% de notre capacité totale de production. Deux de ces groupes totalisant 488 MW le sont toujours. La qualité du produit reste fragilisée par la concentration des groupes de production dans le sud du pays et par le besoin d’investissement dans les lignes de transport, les ouvrages de distribution, les équipements de télé conduite et de protection, etc…
À ce niveau, les investissements publics et privés projetés à l’horizon 2030 sont estimés à plus de 5 000 milliards de FCFA. Pour relever ces défis, une série d’initiatives sont en cours, à savoir :
• l’accélération de l’exploitation de nos champs gaziers
• la construction de gazoducs pour relier notre pays aux pays producteurs et consommateurs de gaz naturel,
• la construction d’infrastructures d’importation, de stockage et d’exportation de Gaz Naturel,
• la construction de centrales de production en Maîtrise d’Ouvrage Publique, et l’accélération de la construction de centrales des producteurs indépendants.
• la poursuite du programme de maîtrise de la demande d’électricité (économie et efficacité énergétique) qui nous permettra d’économiser en moyenne l’équivalent d’une centrale de 50MW par an sur trois ans,
• l’optimisation continue des charges et l’amélioration de la gouvernance d’ensemble du secteur de l’électricité.
Mesdames et Messieurs,
Les récentes découvertes de Gaz Naturel aux larges de nos côtes ouvrent des perspectives prometteuses pour le secteur de l’électricité de notre pays. En effet, le Gaz Naturel, désormais classé comme une source d’énergie de transition vers les énergies renouvelables, permettra à notre pays d’accéder, d’ici 2030, à une énergie électrique abordable pour les ménages et les entreprises et d’opérer sa transition énergétique avec plus de certitude.
Ces découvertes permettront également à notre pays, après la satisfaction de ses besoins, d’exporter du Gaz Naturel Liquéfié (GNL) et de jouer un rôle prépondérant dans le marché sous-régional d’échanges d’électricité.
Mesdames et Messieurs,
En ce qui concerne les hydrocarbures, notre pays a réalisé ces dernières années des progrès spectaculaires, voire historiques, dans l’amont pétrolier. En effet, grâce à la volonté politique de SEM Alassane OUATTARA, des réformes majeures ont été opérées dans ce secteur, notamment la réforme du code pétrolier en 2012 qui a permis d’attirer davantage d’investissements privés.
Ainsi, de 2011 à 2023, plus de 1 200 milliards de FCFA ont été investis dans la recherche pétrolière et 4 513 milliards de FCFA dans l’exploitation pétrolière. L’intensification des investissements a permis de faire des découvertes historiques en septembre 2021, en juillet 2022 et en février 2024. On estime le potentiel de ces nouveaux gisements à l’équivalent de 6 milliards de barils de pétrole brut !
Au niveau de l’aval pétrolier, l’Etat a consenti d’importants efforts financiers depuis le déclenchement de la crise en Ukraine afin de maintenir les prix des produits pétroliers à la consommation à des niveaux accessibles. Ces efforts se chiffrent à 726 milliards de FCFA en 2022, 86 milliards de FCFA en 2023 et 31 milliards de FCFA à fin mai 2024. Cela fait un total de 843 milliards de FCFA rien que pour l’essence et le gasoil. Pour le gaz butane, le soutien de l’Etat qui a bénéficié aux ménages s’élève au total à 417 milliards de FCFA de 2022 à fin mai 2024.
Mesdames et Messieurs,

Le défi majeur des pays africains dans le secteur des hydrocarbures reste l’accès aux financements et au savoir-faire pour l’exploration et l’exploitation des ressources pétrolières dont le sous-sol du continent regorge certainement. L’autre défi, qui découle du premier, est de tirer le maximum de profit de l’exploitation des différentes découvertes, au bénéfice de ces pays et de leurs nationaux.
Sur le plan national, la Côte d’Ivoire doit relever le grand challenge de l’investissement. En effet, les investissements publics et privés nécessaires à notre sécurité et à notre souveraineté en matière de produits pétroliers se chiffrent en milliers de milliards de FCFA. Au niveau de la transformation des produits pétroliers, il nous incombe de préserver et de renforcer notre raffinerie nationale, dans un environnement sous régional concurrentiel. La distribution des produits pétroliers présente également des enjeux. Il s’agit d’améliorer la qualité des produits, de renforcer et de sécuriser le maillage de la distribution sécurisée.
Mesdames et Messieurs,
Pour répondre aux enjeux de ce secteur, notre pays s’est résolument engagé dans le projet de création de la Banque Africaine de l’Energie. Nous nous efforçons aussi de rassurer les investisseurs par le renforcement de la gouvernance du secteur. Jeudi dernier, nous avons lancé officiellement, sous la présidence effective du Premier Ministre Robert BEUGRÉ MAMBÉ, la plateforme numérique dédiée au contenu local dans les activités pétrolières et gazières dans notre pays.
La mise en œuvre de la loi sur le contenu local permettra à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens de véritablement bénéficier des retombées économiques de l’exploitation pétrolière. C’est un objectif majeur pour le gouvernement. Ainsi, l’attribution de blocs pétroliers à la compagnie nationale PETROCI favorisera la montée en puissance de cette dernière dans l’exploration et l’exploitation pétrolière pour qu’à terme, la totalité des ressources de certains gisements pétroliers, bénéficie à notre pays.
Les sociétés nationales PETROCI, SIR et GESTOCI joueront un rôle prépondérant, à côté du secteur privé, dans la conception, le financement, la construction et l’exploitation des infrastructures pétrolières sur toute la chaîne de valeur. Le montant total des projets structurants identifiés à date, à réaliser d’ici 2030, s’élève à plus de 2 040 milliards de FCFA.
Concernant la qualité de nos produits, la SIR procède aux investissements nécessaires pour les aligner sur les standards les plus élevés au monde avant 2030.
Mesdames et Messieurs,
Le secteur des hydrocarbures est sans aucun doute celui dont les perspectives sont les plus prometteuses pour notre pays. En effet, les récentes découvertes, aussi importantes soient-elles, semblent négligeables par rapport à celles que nous espérons dans les années à venir.
Mais d’ores et déjà, sur la base des réserves actuelles, notre pays pourra devenir exportateur net de pétrole brut à l’horizon 2030 et intégrer, s’il le souhaite, l’Organisation des Pays Producteurs de Pétrole (OPEP).
Mesdames et Messieurs,
La réforme du code minier de notre pays intervenue en 2014 pour attirer les investissements dans la recherche, a donné des résultats probants. En effet, le nombre de permis de recherche est passé de 120 en 2012 à 189 en 2023.Tandis que les permis d’exploitation et projets d’exploitation en cours sont passés de 9 à 28 sur la même période.
Les productions annuelles d’or, de manganèse et de nickel, pour ne citer que ces minerais, se sont fortement accrues. L’Exploitation Minière Artisanale et à Petite Échelle connaît elle aussi un véritable essor. Les investissements annuels privés ont été multipliés par six (6) entre 2012 et 2023, pour s’établir à 386 milliards de FCFA au titre de l’année 2023.
Les recettes fiscales perçues par l’Etat, quant à elles, se sont chiffrées à 372 milliards de FCFA en 2023, soit près de vingt (20) fois leur niveau de 2012. À ces résultats financiers, il faut ajouter les nombreux emplois générés par l’activité minière et les investissements dans les infrastructures socioéconomiques de base au bénéfice des populations riveraines des mines et au-delà.
Mesdames et Messieurs,
L’impact de l’exploitation minière sur l’environnement des zones exploitées, combiné au caractère marginal des bénéfices que les pays producteurs tirent de cette activité, constituent des préoccupations majeures. Le faible rendement économique pour nos pays, découle, entre autres, de l’exportation de minerais bruts. Cela ne permet pas aux économies nationales de capter une partie substantielle de la valeur ajoutée sur la chaîne de valeur minière.
Enfin, la pratique illicite de l’orpaillage reste un problème dans notre pays. Sa pratique représente un danger pour l’environnement, la santé des populations et la sécurité nationale, ainsi qu’un manque à gagner inestimable pour les populations rurales et l’Etat.
Mesdames et Messieurs,
Pour répondre à ces préoccupations, plusieurs réformes sont en cours, dont la révision du code minier, afin d’accroître la part de l’Etat dans les revenus miniers et insérer les investisseurs nationaux dans l’exploitation minière. Concernant l’orpaillage et son encadrement, le code révisé offrira la possibilité de faire cohabiter les grands permis avec les autorisations artisanales d’exploitation minières. Il prévoit également la mise en place d’un comptoir national d’achat d’or et l’installation d’une unité d’affinage d’or. Ces mesures devraient permettre de limiter la pratique de l’orpaillage illégal.
Le nouveau code mettra l’accent sur la transformation locale des minerais et organisera l’exploitation transparente des ressources ainsi que de la répartition équitable des profits entre les parties prenantes.
Mesdames et Messieurs,
Les perspectives de l’exploitation minière sont toutes aussi prometteuses pour notre pays. En plus des minerais ordinaires, nous mettons en ce moment l’accent sur la recherche de minerais stratégiques et critiques (Coltan, Nickel, Lithium, etc…) qui sont prisés pour leur rôle dans la transition énergétique et la révolution numérique et dont les cours internationaux sont profitables en ce moment.
Parallèlement, nous élaborons un vaste programme de levées géophysiques et de prélèvements géochimiques aux moyens de technologies de dernière génération. Nous pourrons ainsi réaliser l’inventaire actualisé des ressources minérales dont regorge notre sous-sol.
D’ores et déjà, je suis heureux de vous informer que des indices probants indiquent que la moitié Ouest et le Nord-est de notre pays regorgent de minerais stratégiques et critiques. Il nous reste à confirmer ces données et à évaluer les quantités. Nous nous attendons dans les mois et années à venir, en plus du projet KONÉ, pour l’extraction de l’or, à d’autres découvertes de classe mondiale.
Mesdames et Messieurs,
Au regard du potentiel et des perspectives des trois sous-secteurs, nous restons convaincus que c’est la qualité des hommes qui permettra à notre pays de tirer le meilleur avantage de son industrie extractive. C’est pourquoi nous continuerons d’être particulièrement regardants sur la qualité de la gouvernance, notamment dans les structures sous tutelle qui constituent le bras séculier de la politique du gouvernement.
Concernant la politique du gouvernement, avant la fin de l’année, nous allons soumettre à l’approbation du Conseil des ministres la politique intégrée du secteur des ressources minérales et de l’énergie à l’horizon 2040. Notre objectif est de faire du secteur des ressources minérales et énergétiques le principal pilier de la vision de SEM Alassane OUATTARA qui est de faire de la Côte d’Ivoire un pays à revenu intermédiaire de la classe supérieure à l’horizon 2030.
Je vous remercie.
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