Jean-Noël Loucou, depuis Yamoussoukro: «Félix Houphouët-Boigny est un modèle, il doit inspirer encore et encore notre jeunesse»

C’est ce mercredi 8 février 2023 que sera remis à Angela Merkel, le prix Unesco-Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, à Yamoussoukro. Ce mardi 7 février 2023, une conférence inaugurale a été prononcée par Prof. Jean-Noël Loucou, à la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix. Ci-dessous son discours intégral.

UN MODELE POUR LA JEUNESSE IVOIRIENNE ET AFRICAINE : FELIX HOUPHOUET-BOIGNY
INTRODUCTION
On entend sans répit que la jeunesse ivoirienne est en manque de repères, de modèles à imiter. Si notre vie sociale actuelle peut sembler conforter un tel constat, force est de reconnaitre qu’il doit être relativisé. Notre histoire contemporaine offre des modèles pour peu qu’on les cherche, qu’on les montre, qu’on les valorise.
A l’occasion du la remise solennelle du Prix Félix Houphouët-Boigny-UNESCO pour la recherche de la paix, et du lancement des commémorations du trentième anniversaire de sa disparition, il me plaît de parler de Félix Houphouët-Boigny, Père de la nation ivoirienne, qui reste dans notre mémoire collective, celui qui a rendu à son peuple la liberté et la dignité et posé les fondements d’une nation libre, fraternelle et prospère.
Il est le modèle parfait qui peut inspirer non seulement les jeunes ivoiriens et africains mais aussi tous les Ivoiriens et les Africains, par sa vie, son action historique, les valeurs qu’il a prônées.
Comme tous les grands hommes, il a été contesté de son vivant et l’est encore par certains. Mais comme le dit le proverbe chinois : « On mesure une tour à son ombre et les grands hommes au nombre leurs détracteurs ».
Désormais personnage historique entré dans une temporalité qui n’est plus la nôtre, il est possible de l’apprécier à sa juste valeur.
Trois de ces contemporains, parmi tant d’autres hommes célèbres, ont porté des jugements qui disent la vérité de l’homme.
Ainsi le général Charles de Gaulle écrit dans ses Mémoires d’espoir ces lignes :






« Cerveau politique de premier ordre, de plain-pied avec toutes les questions qui concerne non seulement son pays, mais aussi l’Afrique et le monde entier, ayant chez lui une autorité exceptionnelle et, au-dehors une indiscutable influence, et les employant à servir la cause de la raison ».
Le Président Houari Boumediene écrit dans un message du 8 novembre 1973 :
« Houphouët-Boigny est un homme de parole. C’est aussi un homme de principe. Ce sont ces raisons et ces considérations qui m’inspirent une très grande admiration pour cet homme. »
Le président Nelson Mandela écrit, pour sa part, dans un témoignage de 1995 :
« Le grand âge qu’il avait atteintlui avait apporté, non seulement dans les affaires africaines mais dans celles de l’humanité tout entière, une expérience et une sagesse que percevaient tous ceux qui l’approchaient. Il était à l’origine des relations amicales, voire fraternelle, qui unissent nos deux pays depuis des années et qui, à présent, rassemblent toutes les nations du continent, sans exception et sans réserve dans le nouveau combat que nous devons affronter, celui de notre propre développement. »
Le modèle, qui est parfait en son genre, est choisi à titre d’exemple pour qu’on s’inspire de sa conduite, qu’on l’imite.
Félix Houphouët-Boigny (18 octobre 1905- 7 décembre 1993) fut et reste :
- un modèle d’excellence scolaire (I),
- un modèle d’excellence professionnelle (2),
- un modèle d’engagement politique (3),
- un modèle de paix, citoyen du monde (4).
UN MODELE D’EXCELLENCE SCOLAIRE
Houphouët commença ses études primaires à l’école de son village, installée d’abord à Bonzi, puis à Yamoussoukro, de 1909 à 1914. Il se révèle un brillant potache en étant toujours premier de sa classe. Après l’obtention de son certificat d’études, il réussit, en 1915, le concours d’entrée au Groupe Scolaire Central de Bingerville (devenu par la suite Ecole Primaire Supérieure). Il est premier de l’école de son village, mais treizième de la colonie de Côte d’Ivoire. C’est là qu’il est formé pendant trois années de 1915 à 1918.
En 1919, il réussit le concours d’entrée à l’Ecole normale William Ponty, au Sénégal (d’abord à Gorée, puis transférée en 1938 à Sébikhotane). Il est premier des 14 élèves ivoiriens admis, mais 20ème des 100 admis de l’Afrique occidentale française.
Mais l’Ecole normale William Ponty, en dépit de son appellation, ne formait pas que des instituteurs. La durée des études était de trois ans : deux ans de formation générale, puis la troisième année, la spécialisation, les meilleurs étaient orientés soit dans la section de l’enseignement (pour devenir instituteurs), soit dans la section préparatoire au concours d’entrée à l’Ecole de médecine, soit dans la section générale (qui formait les commis d’administration et des entreprises). Houphouët prépare le concours d’entrée à l’Ecole de médecine. Il n’a jamais passé de diplôme d’instituteurs comme l’écrivent à tort certains auteurs.
Après les quatre années d’études que comportait la formation des médecins africains, il sort, en 1925, major de sa promotion avec la mention Bien.
Son biographe F. Grah-Mel écrit avec raison :






« De l’école de son village à l’Ecole de médecine, le président a connu une progression plutôt régulière, qui témoigne à la fois d’un intérêt constant pour les études, d’un grand sérieux dans ses activités, d’une volonté réelle de réussir, d’une inflexible détermination à aboutir. Déjà en son temps, les études de médecine étaient les plus longues du cursus scolaire. Il n’a pas craint de s’y engager ».
On retient le sérieux dans les études, la boulimie de connaissances, le travail acharné pour être toujours parmi les meilleurs. Et Houphouët avait achevé ses études à vingt ans.
Certes le régime colonial a pratiqué le cantonnement intellectuel (alors que le système était très sélectif à tous les niveaux d’enseignement) pour avoir des cadres subalternes qui ne remettraient pas en cause la suprématie coloniale. Malgré leur formation limitée, ces médecins -auxiliaires africains (tel était leur titre) furent de solides praticiens sachant leur métier et qui firent l’honneur et l’efficacité du service de l’Assistance médicale indigène (AMI).
Et tous ces cadres africains passés par l’école coloniale allaient parfaire le minimum de culture reçu. Houphouët avait ainsi une vaste culture, embrassant les sciences, les lettres, l’histoire, les arts, l’architecture.
UN MODELE D’EXCELLENCE PROFESSIONNELLE
Félix Houphouët allait exercer son métier de médecin, pendant quinze années de 1925 à 1939. Il se distingua également par sa compétence, sa conscience professionnelle, sa recherche toujours renouvelée de l’excellence.
Il servit successivement à l’hôpital central d’Abidjan-Plateau (novembre 1925-avril 1927), puis à Guiglo (27avril 1927- 17 septembre 1929), à Abengourou (septembre 1929- 3 février 1934), à Dimbokro (février 1934- 1936), enfin à Toumodi (1936-1939).
Quelques appréciations de ses supérieurs hiérarchiques (tous français, faut-il le rappeler) sont particulièrement élogieuses.
Le médecin principal de l’hôpital d’Abidjan, Louis Bouffard écrit le 7 octobre 1926 :
« Excellent collaborateur qui, depuis un an qu’il sert à Abidjan, a fait preuve de belles qualités professionnelles et semble, s’il persiste dans la voie tracée, être appelé à un très bel avenir ».
Un témoignage officiel de satisfaction du gouverneur de la Côte d’Ivoire, Maurice Lapalud fait l’éloge du jeune médecin :
« Témoignage officiel de satisfaction. Par décision du lieutenant-Gouverneur en date du 17 janvier 1929. Un témoignage officiel de satisfaction est accordé au médecin auxiliaire de 3ème classe Houphouët (Félix), pour les soins désintéressés qu’il a prodigués aux Européens et indigènes, pour le dévouement et le zèle intelligent qu’il a apportés dans la diffusion des notions d’hygiène et de prophylaxie parmi la population indigène du cercle de Guiglo ».
Dans une note du 25 septembre 1930, l’administrateur d’Abengourou, François Raoul écrit :
« Très bon médecin auxiliaire, actif, dévoué, intelligent et très attaché à son service. A très bien été accueilli par une population fétichiste assez difficile à pénétrer et a obtenu d’excellents résultats ».
Enfin nous pouvons citer une dernière appréciation, vers la fin de sa carrière de médecin. Elle est du commandant de cercle Robert Winckler qui écrit dans une note du 6 septembre 1936 :
« Le médecin auxiliaire Félix Houphouët est un jeune praticien indigène de tout premier ordre. Doué d’une intelligence extrêmement aiguë et d’une finesse remarquable. Très instruit, de caractère très élevé et d’esprit excellent et rigoureusement droit ; c’est le prototype du collaborateur de tout premier choix qu’un chef voudrait toujours avoir avec lui. Sa puissance de travail est considérable. Le chiffre de ses consultations a crû dans des proportions énormes. Son dévouement à ses fonctions est inlassable, sa bourse toujours ouverte aux déshérités ou aux nécessiteux. Je n’ai jamais encore rencontré au cours de ma carrière un médecin indigène de ce caractère et de cette valeur, et je regrette infiniment que le non-accomplissement par lui du stage réglementaire pour le principalat m’empêche de proposer pour ce grade que nul n’est plus digne que lui de posséder. Cote : 20/20 ».
Sa carrière réussie de médecin, son action sociale, sa rencontre avec le pays profond et la grande misère des Ivoiriens en situation coloniale déterminèrent son engagement politique.
UN MODELE D’ENGAGEMENT POLITIQUE
Alors qu’il avait été formaté pour servir le régime colonial, comme les autres évolués (comme on les appelait, pour les distinguer des supposés « non-évolués», c’est-à-dire la majorité des Ivoiriens, notamment les masses rurales), Félix Houphouët va s’engager politiquement, autrement dit, militer activement à la défense de la cause des colonisés d’abord dans le cadre d’un syndicat, puis d’un parti politique.
Pendant qu’il était encore en fonction comme médecin, il organisa en 1932 avec les paysans de l’Indénié une grève de la vente du cacao dont les prix avaient drastiquement baissé.
« Je ne pouvais, précise-t-il, rester indifférent, d’autant que la vie même du pays était en jeu et que j’étais intéressé à la vie des miens ».
Il publie, avec d’autres, sous un pseudonyme, dans le journal Le Trait d’union, du 22 décembre 1932, un article au titre vengeur : « On nous a trop volés ».
Il est sanctionné par son chef de service. Proposable pour le grade supérieur, il n’est pas proposé.
Il aurait voulu aller plus loin dans cette action de l’Indénié, en jetant les bases d’un syndicat des planteurs ; mais il n’est pas suivi. Ce n’est que partie remise. Il récidivera en 1944, avec la création du Syndicat agricole africain (SAA).
Après la conférence de Brazzaville (30 janvier-8 février 1944) qui recommanda la création de syndicats professionnels, Félix Houphouët-Boigny et sept grands planteurs ivoiriens (Joseph Anoma, Fulgence Brou, Gabriel Dadié, Djibril Diaby, Georges Kassi, Kouamé N’Guessan, Amadou Lamine Touré) créèrent le 10 juillet 1944 le Syndicat agricole africain (SAA), encore dénommé Syndicat des planteurs africains.
En trois années de présidence de 1944 à 1947, Félix Houphouët a non seulement implanté le syndicat dans toute la Côte d’Ivoire, mais en a fait le catalyseur de la révolte de tout un peuple contre le régime colonial.
Le Syndicat agricole africain fut la matrice dans laquelle prit naissance le Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Houphouët fédéra les patriotes ivoiriens et des démocrates non-ivoiriens (africains, français, syro-libanais) dans ce parti africain et anticolonialiste, créé le 9 avril 1946.
Avec le PDCI, il a donné une base politique à son action politique qui était au départ syndical. Il a unifié dans une même contestation du pouvoir colonial les masses rurales représentées par le SAA et les masses urbaines regroupées au sein d’associations d’originaires (comme l’Union des originaires des six cercles de l’Ouest de la Côte d’Ivoire-UOCOCI), de comités d’études politico-culturels (comme le Comité d’études franco-africaines-CEFA et le Groupe d’études communistes- GEC) et de syndicats ouvriers (comme l’Union locale des syndicats confédérés CGT).




C’est à la tête d’un parti organisé, populaire qu’Houphouët arrive au congrès de Bamako (18-21 octobre 1946) qui créa le Rassemblement démocratique africain (RDA). Il est élu président du Comité de coordination (il sera d’ailleurs le seul président de ce parti panafricain). Le poids de la Côte d’Ivoire s’est traduit par le choix d’Abidjan comme siège du mouvement et de l’Ivoirien Fily Sissoko comme premier secrétaire général.
Il sut conduire à la victoire (notamment l’indépendance politique) le RDA, en dépit des heurts (comme la question de l’indépendance immédiate, le désapparentement du Parti communiste auquel le RDA était apparenté dans les assemblées parlementaires françaises) et des malheurs (comme la violente répression contre le RDA). Et il n’a pas trahi la lutte anticoloniale comme le pensent certains détracteurs. Au contraire, il sut garder la confiance de ses pairs et des masses africaines. Il est effectivement un de ces grands hommes de l’histoire qui, selon Hegel, sont « ceux qui, dans leur temps, ont le plus de lucidité et savent le mieux ce qu’il faut faire ».
Houphouët, devenu Houphouët-Boigny depuis 1945, fut député de la Côte d’Ivoire, à l’Assemblée nationale française de 1946 à 1956, puis ministre dans six gouvernements de la République française, Premier ministre, puis premier président de la République de Côte d’Ivoire.
Son engagement politique a conduit à la conquête du pouvoir par la lutte anticoloniale, puis à son exercice. A trop vouloir nier le rôle de Félix Houphouët-Boigny et de ses compagnons de lutte, on arrive à nier le mouvement anticolonialiste africain lui-même, organisé et animé par le RDA.
Son engagement politique a permis d’atteindre l’objectif de libération du joug colonial en faisant l’économie d’une guerre et en obtenant une indépendance non pas octroyée, mais négociée.
UN MODELE DE PAIX
Dans un discours prononcé le 30 novembre 1960, après son élection à la présidence de la République ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny souhaitait que l’Histoire retienne de lui qu’il fut un messager de la paix. Il déclarait en effet : « Aujourd’hui, c’est moi qui, pour la première fois, vais demander de m’aider à honorer un titre pour le plus grand bien de notre jeune Etat : celui si envié et si accablant à la fois de messager de la paix.
C’est désormais le but de ma vie. Le chemin du bonheur et de la fraternité passe nécessairement par la paix. Criez avec moi et contribuez de toute votre âme à réaliser la paix. Paix en Côte d’Ivoire, Paix en Afrique, Paix dans le monde ».
La paix fut ainsi le leitmotiv de l’action politique du Père de la nation qui se fit le champion du dialogue pour le triomphe de la paix.
Si la paix est une vertu, un état d’esprit, une volonté de bienveillance, de confiance, de justice pour Spinoza, la première des vertus pour Aristote, elle est pour lui, un comportement, une conduite morale. Et il faut une pédagogie de la paix pour une transformation progressive et continue des attitudes, des valeurs, des comportements tant individuels que collectifs.
Dans sa pensée, la paix n’est pas seulement le contraire de la guerre. Elle est plus positivement équilibre intérieur de l’homme, équilibre intérieur de chaque nation, équilibre entre les nations. Elle doit donc se réaliser simultanément au niveau international, national et individuel. Elle est liée aux valeurs de justice, de démocratie, de tolérance, aux droits de la personne humaine et aux droits des peuples.
« Rien ne changera tant que les hommes d’Etat n’auront pas fait de la recherche de la paix autre chose que l’habillage de leur politique. Tout changera lorsque cette recherche de la paix sera devenue l’objet essentiel, réel, de leurs préoccupations et leur seconde nature. Les intérêts qu’ils défendaient jusqu’alors leur paraitront à ce moment-là bien dérisoires et pervers. La paix, ce n’est pas un mot, c’est un comportement ».
Elle ne peut donc être effective sans une transformation des attitudes, des valeurs, des conduites tant individuelles que collectives. Et seul un comportement de paix permet de résoudre les conflits de notre monde, autrement que par les moyens de l’agressivité et de la violence.
Pour Félix Houphouët-Boigny, les conditions de l’instauration d’une paix durable reposent sur quatre exigences principales : la promotion et la sauvegarde des droits de l’homme ; le développement humain ; le soutien à la loi internationale et aux organisations internationales ; la solidarité entre les peuples et les nations.
Les différentes déclarations de Félix Houphouët-Boigny permettent d’éclairer de tous ces points.
« Nous avons la même vision du monde pour la recherche de la paix par le dialogue, la défense des droits de l’homme et de sa dignité, la lutte contre les fléaux de la misère, de la maladie et de l’ignorance, l’établissement de rapports financiers et économiques qui ne soient pas fondés uniquement sur la force mais prennent en considération les paramètres humains et sociaux qui les sous-tendent. » (Allocution prononcé le 5 juin 1985)
« Nous le répétons avec force : nous entendons respecter les droits de l’homme et faire tout ce qui est possible pour qu’ils s’exercent de plus en plus largement et librement, en Côte d’Ivoire. » (Discours du 1er octobre 1990)
Le développement humain était au cœur de son projet de société, axé sur la réalisation du bien commun ayant pour finalité l’homme.
Sa politique extérieure avait pour objectif de :
« rechercher la paix, participer activement à toutes les organisations régionales et internationales susceptibles d’éliminer les germes de discorde, de rassembler les énergies et qui ont pour vocation de faire émerger un nouveau type de rapports entre individus et entre nations fondé sur le respect de la personne humaine et de la nature, c’est-à-dire aboutir à la fin des oppressions de toutes sortes et des gaspillages qui menacent l’avenir de tous. »
(Allocution prononcée le 3 juillet 1979)
La Côte d’Ivoire d’Houphouët-Boigny a ratifié tous les instruments juridiques relatifs aux droits de l’homme et intégré dans sa loi fondamentale les déclarations des droits de l’homme et la déclaration universelle de 1948. Elle a adhéré aux organismes du système des Nations Unies et souscrit à toutes les bonnes pratiques pour la recherche de la paix.
Sur la solidarité entre les peuples et les nations, Félix Houphouët-Boigny déclarait lors de sa conférence de presse sur le dialogue avec l’Afrique du Sud, le 28 avril 1971 :
« Nous sommes tous solidaires du même destin, du destin de l’Afrique et si nous pouvons mener de front la lutte pour la paix à l’intérieur de nos pays, la paix entre nos pays, la paix entre nos pays et le reste du monde, alors nous aurons servi l’Afrique. »
L’action pour la paix se réalise de plusieurs façons : l’activité diplomatique, le dialogue interreligieux, le développement économique ainsi que des institutions de recherche de la paix comme la Fondation Félix Houphouët-Boigny.
Une intense activité diplomatique a permis de faire des médiations, des conciliations dans la résolution des conflits, notamment en Afrique, au Moyen-Orient (voir à ce sujet en dernier lieu les mémoires de son conseiller diplomatique, Ghoulem Berrah).
Le dialogue interreligieux s’inscrit dans la tradition ivoirienne d’œcuménisme. « Le Président Houphouët-Boigny est le premier à développer cette attitude. Favorisant le pèlerinage à La Mecque, assistant au culte musulman avec le même respect que pour le culte catholique dont il est pratiquant. Il inaugure mosquées et églises et protège les fêtes religieuses traditionnelles, avec le sentiment d’appuyer de son autorité le dialogue entre tous les croyants. Il entend symboliser ainsi ce qui confère au peuple ivoirien sa spécificité spirituelle et philosophique », comme l’écrit B. Holas.
La paix est inséparable d’un développement économique qui permet de réduire les inégalités sociales et régionales et d’assurer la cohésion sociale et l’unité nationale.
Sa quête de la paix est marquée par trois signatures :
La Basilique Notre-Dame de la Paix, inauguré le 10 septembre 1990 est l’expression religieuse de cet idéal. Pour Houphouët, l’action politique et l’acte de foi ne font qu’un. L’action politique ne trouve une dimension régulatrice qu’en référence à des valeurs absolues.
Le prix international Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, décerné depuis trente ans par l’UNESCO distingue les artisans de paix.
La Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix mène la réflexion théorique sur la paix, et forme à la citoyenneté, à la démocratie et à la culture de la paix.
Félix Houphouët-Boigny prit l’heureuse initiative de créer, le 10 novembre 1973, soit 13 ans après notre accession à l’indépendance, une fondation, institut de recherches politiques et historiques, pour pérenniser la mémoire de notre lutte pour l’indépendance et pour étudier les problèmes que pose la construction de nos Etats nés de la décolonisation. Puis il modifia cette mission initiale, en en faisant un centre international pour la recherche de la paix, car sans la paix tout est compromis. Il déclarait, à cet effet, en 1986 :
« Je réserve la Fondation qui porte mon nom à la recherche pour la paix. Je veux que vous lui donniez une dimension, non pas ivoirienne, à la mesure de ma modeste personne ; soyez plus ambitieux comme nous l’avons été en 1944, en 1945, en 1946, quand nous avons créé le RDA. Donnez-lui une dimension internationale ! Demandez à tous ces chercheurs, appelez même des prix Nobel de la paix, qu’ils viennent se réunir ici pour rechercher les moyens de parvenir à la paix. Nous n’avons pas de médailles à distribuer, de titres à donner. Nous voulons que, sérieusement, on indique aux décideurs de la guerre et de la paix, de détruire la citadelle de méfiance qui rend impossible toute solution de paix. »
(Intervention au Colloque international sur l’histoire du RDA, Yamoussoukro, le 23 octobre 1986)
Cette orientation nouvelle détermine une organisation nouvelle de la fondation. Un siège ultramoderne est construit à Yamoussoukro, de 1977 à 1987 et mis en service en 1989, en même temps que la tenue d’un congrès international sur « La paix dans l’esprit des hommes », à l’issue duquel les participants venus du monde entier élaborent le concept de « culture de la paix » et proposent la création du Prix Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix.
Les clés de la Fondation sont remises symboliquement par le Président Henri Konan Bédié au directeur général de l’UNESCO, Federico Mayor, le 5 décembre 1997.
Depuis cette date, la Fondation est devenue la Fondation Félix Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix.
CONCLUSION
Félix Houphouët-Boigny est un modèle en son genre. Il doit inspirer encore et encore notre jeunesse. Certes, celle-ci ne pourra pas cocher toutes les cases de l’excellence de son parcours ; le faire de quelques-unes conduirait déjà à des accomplissements heureux.
La patrie est reconnaissante aux grands hommes qui ont contribué à forger son destin. Fervent patriote, apôtre de la paix, Félix Houphouët-Boigny est de cette race-là. Et les Ivoiriens ne s’y sont pas trompés. Ils lui donnent, de façon quasi-unanime, la juste place qu’il a occupée dans leur histoire et la marque indélébile qu’il y a inscrite.
Pour paraphraser André Malraux parlant du général de Gaulle (qui disait que Tout Français a été, est ou sera gaulliste), j’achèverais mon propos en disant que tout Ivoirien a été, est ou sera Houphouétiste. Il en est ainsi parce que le destin de Félix Houphouët-Boigny symbolise en son pays, en son temps, la liberté.
Yamoussoukro, le 7 février 2023
Pr Jean-Noël LOUCOU
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