ICC 1

Alassane Ouattara défie la Cpi: «Le procès intenté contre Charles Blé Goudé et qui s’ouvre le mercredi 30 octobre 2019 pourrait produire des étincelles»

Alassane Ouattara défie la Cpi: «Le procès intenté contre Charles Blé Goudé et qui s’ouvre le mercredi 30 octobre 2019 pourrait produire des étincelles»

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Le pouvoir ivoirien ayant réalisé que de toutes les têtes de liste de la galaxie Gbagbo, seul le leader des Jeunes patriotes n’a pas encore été traduit devant la justice ivoirienne, il le poursuit pour un chef d’accusation qui risque de faire déborder le vase de l’agacement de la CPI: « Crime contre des prisonniers de guerre ».
Alassane Ouattara croise ainsi le fer avec la Cour pénale internationale. Les crimes de guerre sont en effet des « infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949 ». L’alinéa 3.1 de l’article 8 desdites Conventions dispose que les crimes de guerre sont « le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l’intégrité physique ou à la santé de personnes protégées par les dispositions des Conventions de Genève ».
Or, en écrivant le 3 mai 2011 à la CPI, Alassane Ouattara visait notamment les « crimes contre les prisonniers de guerre ». Il a demandé à Luis Moreno Ocampo, alors procureur de la Cour (photo), de mener « des enquêtes indépendantes et impartiales sur les crimes les plus graves commis depuis le 28 novembre 2010 (deuxième tour de la présidentielle) sur l’ensemble du territoire ivoirien » afin que « les personnes portant la responsabilité pénale la plus lourde pour ces crimes soient identifiées, poursuivies et traduites devant la CPI ».
Les crimes les plus graves, qui sont de la compétence de la Cour sont le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
C’est ainsi que la CPI a mis en accusation Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé pour leur responsabilité pénale et individuelle dans quatre chefs de crimes contre l’humanité qui incluent les meurtres, les viols et d’autres formes de violence sexuelle, d’actes inhumains et d’actes de persécution.
Alors donc qu’il a formellement saisi la justice internationale, l’État ivoirien tente de la concurrencer en ouvrant un procès dont la CPI est saisie officiellement.
Les relations entre les deux ont, en effet, fini par tourner au vinaigre. La CPI a lancé trois mandats d’arrêt international. Si l’État ivoirien a exécuté deux, il refuse de livrer Mme Simone Gbagbo. Et Ouattara s’est installé dans la défiance de la Cour. Il soutient qu’aucun autre Ivoirien, après Gbagbo et Blé Goudé, ne sera plus transféré à La Haye, pour ne pas s’acquitter de ses obligations en vertu du Statut de Rome créant la CPI. Mieux, le 6 août 2018, il a amnistié Mme Gbagbo. Et maintenant, il poursuit Blé Goudé pour les mêmes chefs d’accusation parce que son acquittement devant la CPI lui est resté en travers de la gorge alors que contrairement à Gbagbo, condamné à 20 ans de prison pour « braquage de la BCEAO », il n’avait aucune inculpation.
De plus, le « crime contre les prisonniers de guerre » retenu contre Charles Blé Goudé est une bombe. Le prisonnier de guerre est un combattant qui est emprisonné par une puissance ennemie et ce statut s’applique uniquement, selon la Croix Rouge internationale, dans les situations de conflit armé international. Car, en cas de guerre civile, ce statut n’existe pas.
Or, du 28 novembre 2010 au 11 avril 2011 (date de l’arrestation de Gbagbo), le pays a été en proie à une grave crise consécutive au contentieux électoral entre le président sortant Laurent Gbagbo et le candidat Alassane Ouattara qui revendiquait, chacun, la victoire.
Si aujourd’hui, Alassane Ouattara est aux trousses de Blé Goudé pour défendre des « prisonniers de guerre », c’est qu’il argue que deux puissances ennemies se sont affrontées: l’État de Côte d’Ivoire et la République du Golf. Deux armées étaient donc opposées. D’un côté, les Forces de défense et de sécurité (FDS) et de l’autre, les forces étrangères (Casques bleus de l’ONU, supplétifs ouest-africains et soldats français de l’opération Licorne) qui ont détruit les poudrières, bombardé la Résidence officielle des chefs d’État ivoiriens pour obtenir l’abdication de Gbagbo.
Car non seulement les mercenaires et autres rebelles n’ont pas droit au statut de prisonniers de guerre, mais c’est seulement le 17 mars 2011, soit 26 jours avant l’arrestation de Gbagbo, que Ouattara, président de la République du Golf, a créé les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI ou les Frères Cissé).
Quels sont alors ceux qui ont été faits prisonniers de guerre par l’État en cette période trouble!? C’est la grande question à laquelle va répondre la justice ivoirienne dans ce procès qui pourrait ouvrir la boîte de Pandore.
F. M. Bally