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Côte d’Ivoire-Scandaleux: La Cour des Comptes étranglée par la mauvaise gouvernance-Des fonds spéciaux qui explosent…

Côte d’Ivoire: La Cour des Comptes étranglée par la mauvaise gouvernance-Des fonds spéciaux qui explosent

Dans son édition N°218 du mardi 14 janvier 2014, sous le titre « Chambre des Comptes, où sont passés les 45 millions du séminaire ? », l’infernal « Eléphant » avait révélé, avec un luxe insolent de détails, la célébration de la mauvaise gouvernance par Tyéoulou Félix, alors président de cette institution.
Le malheureux président, quelques jours après cette révélation, avait été convoqué par sa hiérarchie, entendu et immédiatement prié d’aller détourner ailleurs, précisément dans une maison de retraite.
Quatre ans plus tard, la Chambre des comptes est devenue la Cour des Comptes. Mais la mauvaise gouvernance n’a jamais quitté les murs de cette institution. Pire, elle semble s’être affreusement aggravée.
Petite incursion au cœur d’une institution censée contrôler l’utilisation des ressources publiques et qui, joyeusement, célèbre elle-même, de président à président, le gaspillage maquillé de l’argent public.

Une exigence de l’UEMOA
La Chambre des Comptes, devenue la Cour des Comptes, est, en Côte d’Ivoire, l’Institution supérieure de contrôle de la bonne utilisation des ressources publiques d’une année à une autre. Sa mise en place est une recommandation de l’Uemoa (Union économique et monétaire Ouest-africaine).
L’Institution, dans son fonctionnement, doit produire des rapports annuels mettant l’accent sur les gaspillages ou l’usage détourné des ressources publiques. Ses rapports peuvent donner lieu à la prise de mesures correctives prononcées par elle-même ou par d’autres institutions publiques.

Des fonds spéciaux qui explosent illégalement
Pour le bon accomplissement de sa mission de service public, la Cour des Comptes reçoit un budget. Lequel est passé, d’une centaine de millions il y a quelques années, à plus de deux milliards de Fcfa, à ce jour. Mais curieusement, plus les fonds mis à sa disposition pour accomplir plus efficacement et de façon plus indépendante sa mission, sont importants, plus la Cour des Comptes, soigneusement, se tient à l’écart de tous les hauts faits de mauvaise gouvernance survenus dans l’administration publique. Pourquoi cette attitude proportionnellement inverse à l’augmentation de son budget ?
Selon les informations de « L’Eléphant », la raison de cette discrétion de la Cour des Comptes est simple. C’est que le champion qui prospère à sa tête, le professeur Kanvaly Diomandé, ne souhaite pas attirer trop de regards indiscrets sur ses propres petits arrangements avec la bonne gouvernance. Raté ! « L’Eléphant » est déjà passé.
En effet, le décret N°2002-349 du 17 juillet 2002 « déterminant les conditions matérielles et financières d’exercice des fonctions de Président de la République, de Premier ministre, de Président ou chef d’institution nationale et d’anciens membres du gouvernement ou personnalité ayant rang de ministre », autorise les présidents d’institution à percevoir des frais de bouche dans la limite de 5 à 10% des budgets des institutions qu’ils dirigent. Ces frais de bouche sont joliment appelés « fonds spéciaux ».
Sur le budget 2019 de la Cour des Comptes, qui s’élève à 2.229.416.990 FCFA, le président Kanvaly, s’est modestement servi à hauteur de 395.587.780 FCFA. Soit, 7,7 points au-dessus de la limite la plus élevée (10%) autorisée par le décret. Va-t-il rembourser la différence de 173 millions perçus en trop ? Question transmise à l’Inspection Générale d’Etat (I.G.E).
Mais n’allez pas imaginer quoi que ce soit. Le président de la Cour des Comptes est le modèle par excellence du respect de la réglementation sur les finances publiques. Il peut s’autoriser quelques violations de la réglementation. Ses fonds spéciaux peuvent donc allègrement exploser pour passer de 69 millions Fcfa en 2016, à 84 millions en 2017, 284 millions en 2018 et 395 millions en 2019. Ce qui n’a rien à voir avec les frais de réception, de fêtes et de cérémonies qui sont passés de 159 millions en 2018 à 187 millions à 2019.

Eclatante opacité et magistrats mécontents
L’explosion des fonds spéciaux a étendu son onde de choc aux primes et autres indemnités. Ces primes et indemnités, inscrites au budget 2018 de la Cour des Comptes, de 43.620.000 Fcfa ont pris l’accesseur pour se chiffrer, en 2019, à 316.802.660 Fcfa soit une multiplication par 7.
Selon les informations de « L’Eléphant », cette ligne budgétaire a explosé sous le motif de versements de primes plus dignes au personnel de la Cour. Sauf que ces agents (sans doute de mauvaises langues), jurent n’avoir pas encore vu la couleur de ces « primes dignes » vu que comparées à celles de 2018, elles sont restées sensiblement au même niveau.
Pour le personnel dit « occasionnel », il a été inscrit au budget sous le chapitre « rémunération des autres catégories de personnel », la somme de 177 millions tant en 2018 qu’en 2019. Or « L’Eléphant » a pu le vérifier, la quasi-totalité du personnel de la Cour est composée de fonctionnaires payés sur d’autres chapitres. Engager des dépenses sur cette ligne « pourrait constituer un grave manquement au devoir de sa charge de la part du président de la Cour », explique un auditeur financier, interrogé par « L’Eléphant ». Ce n’est pas fini.
Le personnel de la Cour des Comptes est censé recevoir annuellement et en nature, un certain nombre d’avantages (frais d’alimentations, d’habillement, d’assurance maladie, etc.), chiffrés dans le budget de l’institution, à hauteur de 29 millions. Sauf que les agents ne se souviennent pas, aussi lointains que remontent leurs souvenirs, avoir déjà reçu quelque avantage que ce soit, en nature. Idem pour les 24 millions destinés aux fournitures de bureau et qui sont régulièrement engagés, mandatés et payés par le comptable public. Pourtant, des magistrats se plaignent d’être obligés d’acheter eux-mêmes des paquets de ramettes pour réaliser leurs travaux en raison de l’impossibilité d’en trouver le moindre au sein de la Cour.

L’héritage de Tyéoulou Félix entretenu ?
On ne change pas des pratiques qui ont fait leurs preuves. En 2014, l’ex-président de la Cour, Tyéoulou Félix, avait dépensé 45 millions pour un séminaire qu’il n’avait jamais organisé. Le nouveau président lui, est plus fin. Il organise beaucoup de séminaires. De 2014, date de la mise à la retraite immédiate de Tyéoulou Félix à la suite des révélations de « L’Eléphant », à ce jour, Kanvaly Diomandé, a organisé des séminaires à un rythme émergent.
Il a ainsi, entre autres, englouti plusieurs millions dans un séminaire organisé à l’hôtel « Plein Sud » à la Palmeraie afin que les greffiers de la Cour expliquent au reste des agents de la Cour ce qu’ils ont retenu à la suite d’une formation suivant un appui de l’Union Européenne. Quels veinards ces autres agents de la Cour ! Surtout qu’une simple séance de restitution au sein même de la Cour aurait suffi et n’aurait coûté aucun centime au contribuable ivoirien !
Autre exploit. A la Cour des Comptes, la simple lecture de la Loi Organique dans la salle de conférence n’est pas une simple réunion, mais un vrai séminaire. Pour consommer les crédits inscrits au budget pour ces séminaires, tout est imaginé. Un montant de 20 millions, au titre de l’année 2019, a été inscrit pour la rémunération des assistants techniques et autres experts étrangers. Sauf que ces derniers, au titre de 2019, selon les informations de « L’Eléphant », auraient été payés par les partenaires financiers de la Cour que sont l’Union Européenne, la BAD. Vite, un audit des dépenses de séminaires ?

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Des primes ? Hop ! Dehors !
Le président de la Cour des Comptes n’aime pas trop les curieux. Très sensible aux questions qui touchent au budget de son institution, il n’hésite pas à cracher du feu sur la tête des agents qui osent poser des questions, notamment sur les primes. A la mi-2019, quelques informations sur le mauvais emploi des deniers publics mis à la disposition de la Cour sont parvenues aux oreilles du ministre en charge des institutions. Il n’en a pas fallu plus pour que huit fonctionnaires et un contractuel (le vérificateur comptable) en service à la Cour, soient virés (voir Fac Similés) et mis, pour ce qui concerne les fonctionnaires, à la disposition de la Fonction publique à la suite d’un courrier N°191/CC/PDT/DAFY du 19 juillet 2019. Courrier dans lequel le président demande, sans préciser les motifs, qu’il soit mis fin à sa collaboration avec les huit agents. Aucune faute ne leur a été reprochée et aucune demande d’explication ne leur a été servie. Pourtant, il fallait que ces conditions soient remplies avant de demander leur redéploiement dans d’autres services publics. C’est que selon le décret portant modalités communes d’application du statut général de la Fonction publique, la sanction de premier degré n’est applicable qu’après une demande d’explication adressé à l’intéressé. Le président de la Cour des Comptes ne s’embarrasse guère de ce genre de corvée. Les mises à disposition n’étant, dans le principe, traitées par le ministère de la Fonction publique que du 1er avril au 30 juillet, la demande de Kanvaly Diomandé n’aurait pas dû prospérer pour l’avoir exprimée en toute illégalité et en dehors du délai prescrit. Etrangement, le ministère de la Fonction publique lui a donné une suite favorable et cela, au mépris des exigences du « Système Intégré de Gestion des Fonctionnaires et agents de l’Etat » (SYGFAE) et en flagrante violation du Statut général de la Fonction publique.

Joyeux gaspillage
Comme c’est étrange ! La Cour des Comptes est censée aider l’Etat à réaliser des économies dans l’utilisation des ressources publiques, mais c’est plutôt elle qui s’illustre de façon particulière dans le gaspillage desdites ressources. Le président Kanvaly, sur une annexe de la parcelle accueillant la Cour, a fait construire une clôture et un hangar d’un coût, selon les informations de « L’Eléphant », de plus de 80 millions de Fcfa. Cette clôture et ce hangar sont pourtant voués à une imminente destruction car l’espace est destiné à la construction de nouveaux bâtiments administratifs à usage de bureaux pour la Cour, inscrite au budget 2019 à hauteur de 120 millions de Fcfa. Pourquoi avoir donc effectué cette dépense pour des réalisations qui ne servent à rien ou serait uniquement pour justifier des sorties de fonds ?
« Nous sommes tous acquis à l’idée selon laquelle les gestionnaires des deniers publics doivent comprendre que lesdits fonds ne leur sont pas confiés pour leur confort ou prestige personnel dans l’impunité la plus totale. Notre rôle consiste à rassurer les contribuables que les impôts dont ils s’acquittent ne sont pas abandonnés entre les mains de personnes pour en user et en abuser à leur seule convenance ».
Allez savoir qui raconte ces belles choses…

Pas de réponses aux préoccupations de « L’Eléphant »

Histoire d’avoir la réaction des champions qui gouvernent la Cour des Comptes, le Pachyderme s’est rendu le lundi 7 octobre 2019 au siège de l’institution à Cocody 7ème Tranche.
A l’entrée du bâtiment, à travers le combiné téléphonique des soldats en faction, le secrétariat du président de la Cour des Comptes a voulu savoir d’abord l’objet de cette visite matinale, sans laisser « L’Eléphant », malgré son insistance, avoir accès au cabinet du président. Au final, « L’Eléphant » a été prié de s’adresser au service de communication situé en dehors des locaux de l’institution, du côté du « Carrefour Duncan ». Là, « L’Eléphant » n’a pas eu de réponse à ses préoccupations. Il a été prié, d’adresser un courrier à l’institution pour que ses préoccupations soient mieux appréciées et aient, éventuellement une suite.
NOEL KONAN, in L’ELEPHANT DECHAINE N°656