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Salubrité-extraordinaire: Un gré à gré, un appel d’offres sous le sceau d’un «secret d’Etat» pour le ramassage des ordures à Abidjan

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Salubrité-extraordinaire: Un gré à gré, un appel d’offres sous le sceau d’un «secret d’Etat» pour le ramassage

L’Etat ivoirien via le ministère de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement durable a délégué fin 2017, le service public des services de propreté de l’agglomération d’Abidjan à deux sociétés privées que sont : Eco Eburnie et Ecoti SA. Cette délégation de service public s’est faite, selon ledit ministère, après un appel d’offres international. Mais selon les informations obtenues par le Pachyderme sur le site de la direction des Marchés publics, les deux entreprises ont été retenues à la suite d’une procédure de gré à gré. Où se situe donc la vérité ?

Un appel d’offres international selon le ministère et le Comité national des partenariats Public-Privé
« La signature de convention marquant la concession effective de la délégation de service public de propreté de l’agglomération d’Abidjan- secteur 1, à l’entreprise Ecologie Tuniso Ivoirienne (ECOTI SA) a eu lieu le lundi 09 Octobre 2017, à la Salle de Conférence du Ministère de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement Durable (MINSEDD). Le Ministre Anne Désirée OULOTO a, au nom du Gouvernement ivorien, signé cette convention avec le Président du Conseil d’Administration de ECOTI SA, M. Rafik BEN AYED. Cette signature fait suite à la sélection, après un appel d’offres international, de deux (2) entreprises pour la gestion des déchets solides ménagers et assimilés du District d’Abidjan », telle est l’information publiée le 10 octobre 2017, sur le site du ministère de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement Durable.
Si le ministère de Anne Désirée Ouloto est moins bavard sur les détails de la convention de concession de service public signée avec lesdites sociétés, ce n’est pas le cas pour le Comité national de pilotage des partenariats Public-Privé, en abrégé CNP-PPP.
Ce comité qui a pour mission de favoriser le développement des partenariats Public-Privé en Côte d’Ivoire et d’apporter son appui aux autorités contractantes aux différentes étapes de réalisation desdits partenariats apporte des précisions de taille. Dans un document intitulé « Avis d’attribution des projets PPP » édité en février 2019, il confirme que la procédure de passation de la convention est bien un « appel d’offres international ouvert en deux étapes, précédé d’une pré-qualification ».
En effet, on découvre dans ledit document que c’est sous la forme d’un contrat de partenariats public-privé que le ministère de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement durable a organisé l’appel d’offres international ouvert pour la délégation des services de propreté dans l’agglomération d’Abidjan. On découvre également que cet appel d’offres constitué de trois (03) lots correspondant chacun à une grande subdivision de la ville d’Abidjan. Le lot n°1, Abidjan Nord-Est comprend les communes d’Anyama, Abodo, Cocody, Plateau et Bingerville. Le lot n°2, Abidjan Nord-Ouest comprend les communes d’Adjamé, Attécoubé, Songon et Yopougon. Et le lot n°3, Abidjan Nord-Sud comprend les communes de Koumassi, Marcory, Port-Bouët et Treichville. La société portugaise Mota Engil Engenharia Construcao Africa S.A devenue Eco Eburnie s’est vue attribuer les lots n°2 et 3. Et la société Tuniso-ivoirienne, Ecoti SA a remporté le lot n°1. Enfin, on découvre que chacun des opérateurs a proposé un financement de 43 milliards FCFA pour l’exécution de leur projet respectif. En contrepartie, l’Etat ivoirien devra leur verser des loyers.
Mais « L’Eléphant » a fait une découverte étrange au sujet de cette délégation de service public sur le site de la direction des Marchés publics.

Un gré à gré selon la direction des Marchés publics
Sur ledit site, on s’aperçoit bien que c’est à la suite d’une procédure d’entente directe (gré à gré) que le Ministère de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement durable a concédé le service public des services de propreté de l’agglomération d’Abidjan aux deux entreprises. Mais que faut-il entendre par un marché gré à gré ? « Un marché est dit de gré à gré ou d’entente directe lorsque l’autorité contractante engage les discussions ou négociations qui lui paraissent utiles et attribue ensuite le marché au candidat qu’elle a retenu », lit-on aux termes l’article 96.1 du Code des Marchés publics. La direction des Marchés publics dont l’une des compétences est le contrôle a priori et le contrôle a posteriori de la régularité des procédures de passation des Marchés publics et des conventions, s’est-elle méprise pour indiquer sur son site que c’est à la suite d’une procédure de gré à gré que le ministère de Anne Désirée Ouloto a attribué ce marché aux entreprises Eco Eburnie et Ecoti SA ? Difficile pour le pachyderme de répondre à cette question.
Autre découverte intrigante sur le site de ladite direction, le ministère, pour recourir à cette procédure dérogatoire de passation de marchés publics, évoque le motif « secret d’Etat ». Un motif inédit puisqu’à lecture de l’article 96.2 dudit code, on retient : « Il ne peut être passé de marché de gré à gré que dans les cas suivants : lorsque les besoins ne peuvent être satisfaits que par une prestation nécessitant l’emploi d’un brevet d’invention, d’une licence ou de droits exclusifs détenus par un seul entrepreneur, un seul fournisseur ou un seul prestataire ; lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un prestataire déterminé pour des raisons artistiques, techniques, d’investissements préalables importants, et de sécurité liée à l’intérêt supérieur de l’Etat ;dans le cas d’urgence impérieuse motivée par des circonstances imprévisibles ou de force majeure ne permettant pas de respecter les délais prévus dans les procédures d’appel d’offres, nécessitant une intervention immédiate, et lorsque l’autorité contractante n’a pas pu prévoir les circonstances qui sont à l’origine de l’urgence. » En d’autres termes, on ne peut recourir à la procédure du gré à gré que pour les motifs d’une situation de monopole, de contraintes ou d’exigences techniques et d’urgence impérieuse.
D’où vient donc ce nouveau motif « secret d’Etat » évoqué par le ministère de la Salubrité, de l’Environnement et du Développement durable dans une délégation des services de propreté dans l’agglomération d’Abidjan ?
Le « Secret d’Etat », on le sait, barricade le gouvernement et l’administration derrière un rempart que le juge ne peut franchir et sur lequel le Parlement n’a aucun contrôle. Les procédures de contrôle demeurent encore largement entre les mains du pouvoir exécutif. Que cache (encore) Anne Désirée Ouloto en créant la confusion au sujet de la procédure de passation de ces marchés publics? Les ménages ivoiriens, il faut le signaler, contribuent au financement pour l’enlèvement des ordures ménagères à travers la « taxe rémunératoire enlèvement ordures ménagères » prélevée par la Compagnie ivoirienne d’électricité (CIE).

Le courrier de « L’Eléphant » resté sans suite
« L’Eléphant » a donc tenté d’approcher le ministère de l’Assainissement et de la Salubrité pour avoir des éclairages sur la procédure par laquelle Eco Eburnie et Ecoti SA ont été sélectionnées. Contactée par le pachyderme, Madame Dimi, la responsable du service Communication dudit ministère, a recommandé à son interlocuteur d’adresser un courrier à la ministre, Anne Désirée Ouloto en vue d’avoir sa réaction. Suivant les recommandations de celle-ci, le quadrupède a adressé le 22 août, un courrier à la ministre de l’Assainissement et de la Salubrité. Quelques jours plus tard, pour s’assurer que sa requête n’a pas été rangée aux calendes grecques, le quadrupède a contacté le 5 septembre, Madame Sow, une collaboratrice de la ministre qui a laissé entendre que la ministre traitera le courrier et répondra. Depuis cet entretien, « L’Eléphant » continue désespérément d’attendre la réaction de la ministre au sujet de la procédure relative à la délégation des services de propreté dans l’agglomération d’Abidjan aux sociétés Eco Eburnie et Ecoti SA.

NOËL KONAN, in L’Eléphant déchaîné n°655

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