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AFFAIRE REFORME HOSPITALIÈRE : LA ÈNIÈME ARNAQUE D’’’ADO SOLUTION’’? (Chronique)

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AFFAIRE REFORME HOSPITALIÈRE : LA ÈNIÈME ARNAQUE D’’’ADO SOLUTION’’?

Depuis quelques jours, il a été décidé au conseil des ministres de transformer les CHU en EPH. Selon le gouvernement, il s’agit là de mesures pour assainir les dépenses publiques et améliorer les conditions des traitements médicaux dans nos centres hospitaliers majeurs. Selon lui, l’État signera un accord avec des partenaires prestataires qui gèreront ces centres hospitaliers pour améliorer la qualité des services dans lesdits centres de santé pour le grand bonheur des ivoiriens. Ce serait donc « un modèle de gouvernance » qui garantit « la participation des établissements hospitaliers privés au service public hospitalier, tout en préservant son caractère social ». De quoi s’agit-il ? Pour plus de clarté, commençons par la définition des concepts pour mieux rentrer dans le sujet.
Avant d’être EPH, il faut noter que les grands centres hospitaliers et plusieurs autres structures publics sont des EPN (Etablissement Public National). Ils sont définis comme des personnes morales de droit public qui disposent d’une autonomie administrative et financière, et remplissent une mission d’intérêt général. L’EPN répond à trois principes que sont l’autonomie, le rattachement à l’Etat, plus spécifiquement à une administration qui le contrôle et la spécialité de ses activités. Les EPN se subdivisent en plusieurs catégories dont deux principales que sont les EPA (Établissement public administratif) et les EPIC (Établissement public à caractère industriel et commercial). Pour qu’un établissement public soit un EPIC, trois critères doivent être réunis : l’objet du service doit être la production et la commercialisation de biens ou de services ; les ressources doivent être essentiellement les redevances payées par les usagers ; et les modalités de fonctionnement, similaires à celles d’une entreprise privée. Si l’un de ces critères fait défaut, l’établissement public sera qualifié d’EPA.
On peut donc conclure que les EPN sont des entreprises de l’État dont le statut dépend de l’implication directe ou non de celui-ci dans sa gestion. Cette gestion part depuis le mode de fonctionnement financier jusqu’à l’administration. N’empêche que le nœud de ces structures est l’autonomie administrative comme financière vis à vis de l’État. Dans le cas spécifique de la Côte d’Ivoire il faut noter que les derniers chiffres disponibles font état de 69 EPA, 27 EPIC et 09 ASS pour un total de 105 EPN au total. Les 04 grands centres de santé publique qui sont les CHU de Bouaké, Cocody, Treichville et Yopougon sont des EPIC. Ce qui veut dire que nos grands hôpitaux de niveau 3 fonctionnent plus ou moins comme des entreprises privées sous l’œil vigilant de l’État de Côte d’Ivoire. Ils s’autofinancent depuis la gestion matérielle jusqu’au personnel médical et paramédical. Nos hôpitaux qui sont des établissements publics de santé, sont des personnes morales de droit public dotées d’une autonomie administrative (ils sont gérés par un conseil de surveillance) et financière (ils ont un budget propre). Le personnel qu’ils emploient appartient à la fonction publique hospitalière.
Malgré ce mécanisme mis en place par notre État, force est de constater de nombreux dysfonctionnements qui mettent en péril la vie de nombreux citoyens. Car le domaine de la santé n’est pas comme les autres domaines de l’État. Il est directement lié à la vie de n’importe quel citoyen. Quelques secondes d’inattention, de manquement ou de faille sont suffisantes pour mettre la vie d’un homme en péril. La santé des citoyens est comme de l’huile sur le feu à surveiller. C’est un secteur très délicat dont toute décision mérite analyse, objectivité et pertinence.
En annonçant le projet de loi qui bouleversera radicalement le paysage sanitaire national ivoirien. Le conseil des ministres ouvre la voie à la privatisation des Centres hospitaliers et universitaires, par le biais de concessions de service public. Comment cela fonctionnerait-il ? Vue la qualité du service soins de santé qui ne s’améliore pas malgré l’autonomie administrative et financière des CHU, le gouvernement a pensé bien faire en donnant la gestion de l’hôpital à des prestataires. Ce qui revient à dire que l’État a décidé de s’endetter pour se désendetter afin de combler les déficits des CHU. Car, le prestataire en question qui sera choisi quel que soit sa bonne foi devra être rémunéré soit directement par l’État soit en se payant sur la bête ; c’est-à-dire les ressources de l’hôpital ; dans l’un ou dans l’autre, l’augmentation de la dépense publique est une évidence. Si l’État décide de payer directement le prestataire, il faut aussi avoir la présence d’esprit que le plus mauvais payeur des fournisseurs en Côte d’Ivoire est l’État lui-même. Cela finira par créer des désagréments tôt ou tard. En quelque sorte, l’État “prend crédit pour payer crédit.″ Car le prestataire devra équiper le CHU avec ses investissements propres donc privés et il devra les rentabiliser par la suite.
Cette pratique révolutionnaire que Ouattara veut faire du système sanitaire est la preuve de son incompétence et de son échec dans la gestion des affaires publiques. L’ex directeur général adjoint du FMI n’est qu’un piètre économiste soi-disant, affairiste qui a lutté pour le pouvoir juste pour se remplir les poches, lui et son clan. Jusqu’à présent l’audit du secteur café-cacao est resté sans suite. L’affaire des 1000 milliards disparus des caisses de la GESTOCI est restée sans suite. On avait même déconseillé à Thierry Tanoh de faire l’audit du département ministériel du pétrole et de l’énergie dont il avait été le 1er responsable. Car, si ce système de santé existe ailleurs, il faut noter que le modèle économique ivoirien n’a rien de commun avec le modèle des pays qui ont ce système. D’ailleurs, les pays qui appliquent cette forme sanitaire n’ont pas de sécurité sociale et ceux qui s’y sont essayé se sont cassés le visage et cherchent à s’en sortir. Les deux exemples récents sont les USA et l’Italie.
Dans le pays de l’oncle Sam, la sécurité sociale n’existe pas. Chaque citoyen a le devoir de se prendre une assurance qui lui couvre sa santé selon la période qu’il souhaite. Il faut en moyenne 400$ mensuelle pour avoir la couverture maladie. La grande polémique de l’Obamacare est venue de là. Parce qu’une bonne partie des américains ne voulaient pas de la réforme de la sécurité sociale faite par l’ancien président Barack Obama. Sentant la montée en force des républicains qui menaçaient de mettre fin à cet amendement s’ils gagnaient les élections, Obama a dû retourner au Congrès pour consacrer la solidité du pacte de la sécurité sociale avant la fin de son mandat. L’Italie quant à elle, dans un souci de transparence a essayé la méthode américaine qui n’a pas fonctionné. Elle est en train de payer le prix le plus fort parce que son système économique basé pour la grande partie sur les PME et PMI de famille a vite déchanté. Car la crise économique a fragilisé la puissance de l’État. Actuellement, ils sont en train de sortir de ce mauvais système sanitaire. En somme, la privatisation comme annoncée rapportera moins que ce que rapportent aujourd’hui nos CHU. Ce procédé conduira plus sûrement à détruire qu’à aider comme on tente de nous faire croire. C’est la leçon que l’expérience a démontré partout, dans toutes les parties du monde où ce type de dispositifs ont été adoptés.
Dans un État, il y a des secteurs clé qui sont indispensables et non rentables économiquement : la santé et l’éducation. Quand l’esprit du gain (retour sur investissement) fait son entrée dans le social d’un pays, on se trouve face à un plan commun de destruction des fondements de ce pays. La conjugaison harmonieuse de l’ouverture aux investissements étrangers et la gratuité du social sont le seul moyen de salut pour nos États fragiles ; c’est-à-dire les États dont l’économie repose sur les fluctuations des prix des matières 1ères. Houphouët Boigny consacrait 52% du budget de l’État de Côte d’Ivoire à l’éducation. Mr Ouattara quant à lui, veut systématiquement appliquer ce qui se fait sous d’autres cieux chez nous sans même se soucier de l’adapter. Pendant qu’il veut privatiser les CHU, il ne sait pas qu’il y a des ivoiriens qui y meurent pour un simple besoin de 5000FCFA (07,60€). Pendant qu’il veut relever la qualité dit-on des CHU, il ne sait pas que son projet d’assurance maladie universelle a lamentablement échoué. Pendant qu’il veut donner la gestion de nos CHU à des prestataires, il ne sait pas que le personnel médical et paramédical sont des fonctionnaires payés par l’État pour le service de la multitude. Qu’il veuille la bonne gouvernance de nos hôpitaux c’est normal. On n’a cependant pas besoin forcément de privatiser pour avoir une meilleure. Cette affaire de privatisation est une parade pour pomper l’argent du contribuable.
Cela ne devrait surprendre personne de cette façon de faire du sieur ADO. Il est dans sa logique de la grande vague de privatisation incongrue qu’il fît alors qu’il était le tout puissant 1er ministre au début des années 1990. Le redressement économique n’a été que son alibi pour brader toutes les entreprises de l’État au nom d’un certain capitalisme américain. Ce machiavélisme se justifie par deux causes : soit par un apriori de logique qui voudrait que tout marche mieux dès que c’est privatisé, idée qui va contre le bilan des privatisations qui ont été déjà faites. ; soit parce que d’autres arrangements sont à l’œuvre auxquels nous ne voyons rien. Le redressement tant annoncé est devenu l’achèvement de notre économie. Les salaires des enseignants ont été réduits à double vitesse (le phénomène décrochage-raccrochage). Il a fallu que le président de l’assemblée nationale d’alors Henri Konan Bédié le convoque à une session parlementaire pour qu’il s’explique sur cette façon de faire. Ceux qui devaient soutenir Bédié à l’époque, ont vu en cela du pain béni pour s’accaparer du pouvoir. Leur manque de lucidité et leur cupidité ont présenté ce fait comme le début de la guerre de succession, juste pour se faire de la place. Quand la vie de la nation est en danger, il faut pouvoir taire nos différends et défendre la patrie contre la menace.
Ce qui est surprenant dans cette histoire, est que Mr Ouattara n’a pas compris que le vrai fond du problème est la transparence dans la gestion des affaires publiques : c’est ce qu’on appelle la bonne gouvernance. Pour l’économiste qu’il est, ce diagnostic devrait être une évidence. Et même si l’argent manque dans la santé, l’État a le devoir d’y injecter l’argent car la santé n’a pas de prix. Le grand médecin de l’économie annoncé n’était en réalité qu’un garçon de salle de l’économie. Au-delà de tout, ces questions demeurent : qui sera le véritable bénéficiaire de cette opération aussi spectaculaire que scandaleuse ? Quel sera le statut du personnel médical qui est de facto employé de la fonction publique ? Où se trouve l’économie de la Bosnie, de l’Albanie aujourd’hui dont on a si fièrement présenté comme son action de redressement économique ? Si après le redressement, ces pays qui ont tant souffert continuent encore d’agoniser, je comprends pourquoi la nation ivoire toute entière ploie sous le fardeau de l’arnaque économique du siècle.

Nanan Kôtôkô Yiyné
Citoyen Ivoirien

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