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Sylvain Takoué, Président du Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.)

«Soyons réalistes, il y a faillite institutionnelle et morale en Côte d’Ivoire… Et si on allait à une conférence nationale?» (Sylvain Takoué, après l’interview d’Alassane Ouattara sur Rfi)

«Soyons réalistes, il y a faillite institutionnelle et morale en Côte d’Ivoire… Et si on allait à une conférence nationale?» (Sylvain Takoué, après l’interview d’Alassane Ouattara sur Rfi)

La Côte d’Ivoire vit-elle dans un contexte socio-économique satisfaisant depuis la crise post-électorale de 2010 ? La Côte d’Ivoire marche-t-elle sur la bonne voie de la stabilité politique pour aller tranquillement à la présidentielle de 2020 ? Ce sont, globalement, ces gros points d’interrogation qui préoccupent, aujourd’hui, les Ivoiriens. Le chef de l’Etat ivoirien a cru bon d’y apporter des réponses lumineuses, sur les antennes de Radio France Internationale (Rfi), en marge du Sommet de l’UA, qui vient de s’achever. Et comme d’habitude, il s’est plutôt laissé aller à cette autocélébration chiffrée et sans nuances, que nous connaissons, tous, par cœur : la croissance économique de la Côte d’Ivoire est montée à 8%, avec un taux annuel de 2 à 3%, l’inflation a grandement baissé, l’endettement de l’Etat ne dépasse pas les 40% et est en dessous du PIB, la fourniture en électricité et en eau courante, dans le pays, est couverte à 82%, etc., etc.
Tout, en somme, va bien en Côte d’Ivoire, comme dans le meilleur des mondes possibles et imaginables, a laissé penser notre chef d’Etat enthousiaste, que l’on a ainsi écouté de l’extérieur. Or, ce serait une très bonne chose, si on vivait la même réalité, si le pays était vraiment ce qu’il en dit. Mais la réalité est qu’il y a deux Côte d’Ivoire : celle du sommet du pays où les gouvernants sont enfermés dans leur tour d’ivoire, heureux seuls et déconnectés du vrai monde, et celle d’en bas, qui est la Côte d’Ivoire des masses populaires prostrées, elles, dans un exil intérieur et martyrisées par les angoisses et souffrances existentielles. En haut du pays, le groupuscule des libéraux gouverne en se satisfaisant grassement du pain, du beurre et de l’argent brassé fiscalement à la sueur des fronts de tous, pendant que les masses d’Ivoiriens d’en bas, écrasées par d’inacceptables conditions de vie, n’ont ni pain, ni beurre, ni argent. Quelle est donc la partie de la Côte d’Ivoire, qui se sent la plus satisfaite de cette condition humaine à deux vitesses, de cette vie en société dont on chante la mégalomanie ?
Non, ne blaguez pas avec les misères sociales des Ivoiriens, car elles sont réelles, aujourd’hui plus qu’hier. Et soyons plutôt réalistes : en Côte d’Ivoire, les masses vivent comme si une lourde charge de plomb étouffait encore sa liberté de penser différemment et de dire Non à cette manière de les gouverner qui ne les satisfait pas politiquement. Nous avons plutôt, malheureusement, en lieu et place d’institutions fortes, des hommes forts qui, en maîtres incontestés et incontestables, décident de tout sans être contredits en rien. La démocratie est un luxe que nous ne pouvons encore nous payer. La séparation des pouvoirs (Exécutif, Législatif et Judiciaire) est vrai un conte de fée. On attend d’être de plain-pied dans la présidentielle 2020 pour changer les règles du jeu pendant le match. La réforme de la CEI est déjà un échec. La fronde sociale gronde et monte. L’Ecole ivoirienne a failli. Le Parlement et le Sénat sont handicapés. La cherté de la vie est la seule denrée la mieux partagée. La réconciliation nationale est un mirage. La confiance continue de faire place à la méfiance. Le dialogue politique n’est plus possible que par les joutes oratoires où l’on guerroie. Tout espoir du vivre ensemble tombe en lambeaux… Où va-t-on vraiment ? Où ?
En définitive, disons-nous la vérité : il y a faillite institutionnelle et morale en Côte d’Ivoire. Et si on allait courageusement à une conférence nationale pour repenser, ensemble, notre République ivoirienne et lui faire prendre un nouveau départ de véritable Etat de droit, par un new deal de contrat social, institutionnel et moral ? Le Niger l’a fait en 1991, l’Algérie se propose actuellement d’y aller. Pourquoi pas la Côte d’Ivoire, si tant est que nous tenons vraiment à la sortir de l’impasse nationale qui s’installe ?
Sylvain Takoué,
Président du
Rassemblement des Fiers Ivoiriens (R.F.I.)